Malka Heifetz-Tuzman (1896 – 1987) : Guilboa
Guilboa *
Me voici près de toi
Comme Ruth couchée aux pieds de Booz,
Mais nulle Noémie ne m’envoya,
D’eux-mêmes jusqu’ici se hâtèrent mes pas,
Mon amant Guilboa.
Tu vois, je suis femme stérile, dévastée,
Qui n’attend d’aide que de toi,
Mon amant Guilboa.
On dit qu’en haut dans le creux
Large de tes paumes,
Fût-il invisible à mes yeux,
Il existe un baume,
Et qu’il y a des iris noirs là-bas,
Mon amant Guilboa.
Ah, jette-moi l’un de ces iris noirs,
J’avalerai son feu son feu, je boirai son poison,
Mon amant Guilboa.
Tu es si bon, tu es si grand et si puissant,
Couvre-moi, apaise en moi le gémir de mon sang,
La miséricorde émane de toi,
Mon amant Guilboa.
Sème au-dessus de moi tes astres aveuglants,
Je donnerai le jour à tes agnelets blancs,
Et je saurai que Dieu est là,
Mon amant Guilboa.
Te donner le jour encore une fois,
N’être plus, poussière infime, qu’une graine
Sur ton épaule à jamais que tu traînes,
Mon amant Guilboa.
Et moi
Je me tairai, sans parole et sans voix,
Car il n’est pas de mots pour une telle joie,
Mon amant Guilboa.
Ah, jette-moi l’un de ces iris noirs,
J’avalerai son feu son feu, je boirai son poison,
Mon amant Guilboa.
* Guilboa, montagne du nord de la Galilée où, selon la Bible, le roi Saül et son fils Jonathan
se suicidèrent pour ne pas tomber aux mains des Philistins.
Traduit du yiddish par Charles Dobzynski
in, "Anthologie de la poésie yiddish, Le miroir d’un peuple"
Éditions Gallimard, 2000.