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Le bar à poèmes
24 mars 2024

Ayyappa Paniker (1930 – 2006) : Exode

 

Exode

 

Demain est le bon moment

                  pour partir : souvenons-nous.

Les neuf planètes prophétiques

                  occupent les maisons du ciel propices.

Toute la nuit, observons

                  le mouvement des étoiles.

Et ensuite, camarades, nous marquerons

                  sur la carte le cap.

 

Tenons compte de l’étoile polaire

                  et suivons la direction opposée ;

à mesure que nous gagnons le sud,

                  elle s’abaisse :

l’angle s’accroît que nous mesurons

                  pour calculer la distance,

nous mesurons la longueur des ombres

                  pour évaluer l’heure du jour,

grâce à la profonde méditation,

                  nous maintenons la triade du temps.

 

Intérioriser les choses

                  doit être notre premier objectif.

Situons avec précision nos pensées

                  avant d’ouvrir nos sens,.

parce que, aussi large soit leur ouverture,

                  c’est l’esprit qui gouverne leurs objets ;

ainsi, cultivons d’abord

                  les pouvoirs de l’esprit

et rappelons nous que cet apprentissage

                  dure jusqu’à la mort.

 

Vous exposant ces idées,

                  je vois la triade du temps ;

le passé non encore né

                  que nous appelons l’avenir.

Et, amis, qui avez décidé

                  d’aller vers le sud,

regardez, l’aube est toute proche ;

                  allez de l’avant, pleins d’assurance.

 

Les patriarches peuvent déplorer

                  cette partance vers le sud ;

laissons-les vivre ici

                  et éloignons-nous.

Chaque pas en avant

                  redresse un peu notre mémoire :

au sud, les nouvelles de la mort

                  nous donneraient du courage.

Là, la déesse de la mort

                  attend pour nous accueillir,

la déesse qui reste

                  blottie entre les plis de la mer.

Les horreurs de la guerre, les retranchements,

                  les peurs terribles, la pestilence,

les trous noirs sans fond de la nuit

                  les mystérieuses terreurs irréfléchies.

 

En avant, d’un pied fermement

                 posé sur la terre

nous regardons pas en arrière ; pour nous

                  il n’y a pas de retour,

rien pour rappeler le passé ;

                  le temps adhère à une seule piste.

Il arrive, il est sur le point d’arriver,

                 il n’a cessé d’arriver -

c’est son pas coutumier

                  le perpétuel présent.

 

L’homme est le processus de création,

                  non la chose créée ;

non un point, mais une ligne,

                  le mouvement ne cesse pas.

Les ennemis se tiennent sur notre route,

                  Ils sont nés avec nous ;

rien qu’en les affrontant,

                  nous touchons à la plénitude.

Quand le temps bute sur une impasse

                 ils ouvrent une porte ;

à travers elle, une fois encore,

                  nous accomplissons notre renaissance.

Privés d’ennemis,

                 nous sommes sans ressources :

et nous avons pour but

                  ce que nous ne sommes pas.

 

 

Traduit de l’anglais par Gérard Augustin

In, Ayyappa Paniker : « La migration des tribus »

Editions de l’Harmattan, 2001

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