Monica Mansour (1946 -) : Silences de terre / Silencios de tierra
Fotografía de Pascual Borzelli
Silences de terre
... la charrette vide :
débordante jaune et sèche
une larme de paille
nous balayions des miettes de mots
d’un pain
écroulé
des murs silencieux se dressent
larges hauts vastes
il ne reste que le ciel et la terre
avec leurs mots prisonniers
et aujourd’hui
j’ai perdu l’habitude de mes pas
parcourant à nouveau cet âcre
plaisir de l’angoisse
petite peur de chaque rencontre
de reconnaître la musique
dans la terre
d’yeux clairs non sereins
de retrouver le souvenir
déjà presque étranger
de mon silence
d’être toujours en train de naître
sans savoir mourir
un peu
tu deviens mon vice
quand je ne t’écoute pas
et que tu ne me regardes pas
tu deviens mon vice
habitude qui déborde du temps
au-delà et en deçà des jours
habitude de vouloir et de ne pas avoir
de ne pas savoir et d’avoir
habitude, enfin
blottie en moi
habitude
de vivre sans ton silence
et avec le mien
tout simplement
je t’ai prêté les mots dits
et je t’ai prêté une danse à genoux
j’ai prêté ouïe à tes vies
et silence à tes nuits
je t’ai prêté mes draps blancs
et mes triomphes en sourires
et fabriques celées d’arbre et de terre
et d’eau en cadences de bois
je t’ai prêté ma peau et mes ongles
mon sang et ma guitare
feu et cendres
tout simplement
je t’ai demandé en silence
garde-les comme s’ils étaient un souvenir
ancien qui t’appartient
Traduit de l’espagnol par Adrien Pellaumail
In « Monica Mansour. Poèmes »,
Edition Caractères, Paris / Ecrits des Forges, Québec, 2009
De la même autrice :
Lumière / Luz (28/01/2015)
« moi je dis que le monde... » / « yo digo que el mundo... » (07/10/2021)
« Je veux écrire des mots d’oiseaux... » / « quiero escribir palabras de ave... » (07/10/2022)
1968 (07/10/2024)
Silencios de tierra
… la carreta vacía
desbordándose, amarilla y seca
una lágrima de paja
barríamos migajas de palabras
de un pan
derrumbado
silenciosos muros se yerguen
anchos altos amplios
sólo quedan cielo y tierra
con sus palabras presas
y hoy
me desacostumbré a mi andar
recorriendo otra vez aquel acre
placer de la angustia
pequeño miedo de cada encuentro
de reconocer la música
en la tierra
de ojos claros no serenos
de recobrar el recuerdo
ya casi ajeno
de un silencio mío
de andar naciendo siempre
sin saber morir
un poco
te me haces vicio
cuando no te escucho
y no me miras
te me haces vicio
hábito que se desborda del tiempo
más allá y más acá de los días
hábito de querer y no tener
de no saber y de tener
hábito en fin
acurrucado en mí
hábito
de estar sin tu silencio
y con el mío
sólo
te he prestado las palabras dichas
y te he prestado una danza de rodillas
le he prestado oído a tus vidas
y silencio a tus noches
te he prestado mis sábanas blancas
y mis triunfos en sonrisa
y fábricas ocultas de árboles y tierra
y agua en movimientos de madera
te he prestado mi piel y mis uñas
mi sangre y mi guitarra
fuego y cenizas
sólo
te he pedido en silencio
cuídalos como si fueran un recuerdo
antiguo de los tuyos
Silencios de tierra y otros árboles
Poème précédent en espagnol :
Claudio Rodríguez (1934 -1999) : Gestes / Gestos (04/10/2023)
Poème suivant en espagnol :
Pablo Neruda : « Oui, j’aime ce morceau de terre que tu es... » / « Amo el trozo de tierra que tú eres ... (02/11/2023)