Anise Koltz (1928 - 2023) : Galaxies intérieures (II)
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Le courant de vie
qui me traverse
est sans retour
Lorsque je plonge
en moi-même
je vois la terre entière
qui tourne dans mon sang
.........
Chaque poème
que j’écris
existe depuis toujours
Voyageant avec la lumière
je le capte
le faisant vibrer
avec les herbes du champ
A René
Tu traverses mon lit
comme celui d’un fleuve
Tu te reposes
sur mes berges
Dans le murmure de l’eau
tu écoutes mes paroles
L’eau est mon messager
porteur de mon amour
Il est toujours trop tard
ou trop tôt
Chaque fois qu’on me tue
la lumière renaît
dans mes yeux
Un nouveau jour se lève
sans âge –
malgré un passé
millénaire
Le monde change
sans changer
L’éternité
sans cesse déroutée
par des points de repère désuets
Je porte en moi
des souvenirs d’autres vies
Parfois j’y retourne
dans mes rêves
où je divague
comme un compas déréglé
.........
Tu m’incendies
par le soleil violent
de ta venue
Tu es un poème
en écriture braille
qui me brûle les doigts
lorsque je lis
Nous vivons
dans un monde
de feu
Le chemin se fait
en marchant
Chaque pas
pèse plus lourd
qu’un destin
.........
Même la parole
mâchée et remâchée
que je colporte
à travers le temps
est un ailleurs
que je ne connais pas
Parfois la parole ignore tout
de son sujet
Parfois elle refuse de se laisser
appâter
sous l’écriture
A René
Buvant dans tes baisers
le soleil et la pluie
Mes pores se dilataient
comme des valves
qui s’ouvrent lentement
L’extérieur
s’insinuait
dans l’intérieur
Un miroir universel
reflétait l’autre monde
Le poème
est somnambule
il avance les yeux fermés
Il vit dans la respiration de la terre
il veille à ce que le rêve subsiste
Même à quelques instants
de la fin du monde
.........
Chaque jour
le soleil se réincarne
Officiant dans les champs
il récite
des litanies de sécheresse
Après nous avoir marqués
de ses tatouages
Le soleil assoiffé
boit nos ombres
Tout changement
n’est que répétition
réincarnation du passé
Le temps ne bouge pas
il ne fait qu’exhiber
sur grand écran
les images des saisons
.........
Ciel et terre sons suspendus
dans le vide
Le soleil se braque
sur l’irréalité du monde
dans un présent éternel
Je dédie mes poèmes
à tout ce que je ne comprends pas
A tout ce qui existe
et que je ne vois pas
Je les dédie au silence
qui se trouve au fond
de chaque fracas
.........
En chaque vie
il y a d’autres vies
Je suis devenue
somnambule du jour
Chaque clarté
finit par s’obscurcir
Les paroles s’éteignent
une fois prononcées
A chaque naissance
je récupère les langes
de ma chemise de mort
.........
Je ne suis qu’un écho
dont j’ignore l’origine
J’accompagne le temps
autour du soleil
Tandis que mes yeux stagnent
dans leurs anciens moules
.........
Je me répète l’histoire du monde
tremblante devant l’écho
de mes paroles
Galaxies intérieures
Editions Arfuyen, 2013
De la même autrice :
Un monde de pierres (I) (08/11/2021)
Un monde de pierres (II) (07/05/2022)
Galaxies intérieures (I) (08/11/2022)
Soleils chauves (08/11/2023)
Je renaîtrai (1) (07/05/2024)