Esther Tellermann (1947 -) : Allons plus bas
Allons plus bas
Vite
naviguons
peignons
nos faces et
dispersons le sel
allons plus bas
là où la terre
oscille et se soumet
en cendres
où tombent
la fièvre
et les dieux.
Là
dans les résines
se sont figées
les voix
ô
forêts qui
vous effacent
gonflent
le souvenir.
Et
j’attendrai
la déchirure
des lacs tièdes
et des nuits d’en
dessous
franchirai
la mémoire
d’une porte qui
s’ouvre
je perdrai
à nouveau.
Les espaces
comme en toi
je creuse
cherche les calcites
éclats d’onyx
frontières
de ce côté du
monde
vents nous auraient
couchés
puis rousseur
nous couvre
avec le cri
et les fosses.
Plus rien
façades criblées
et renoncules
un coquelicot
d’argent
brises sentant les
feux
vergers de cuivre
cachant
la tubéreuse
noire
et les seuils.
Des champs où
furent laissés
une main qui
tremble
un regard d’au-delà
le monde
il m’entre il
ne ment pas
il
brûle
dans le chaume
afin de retenir
veut nommer
nomme
ne s’éteint pas.
Raconte
le trop de nuits
et de senteurs
là
de ce côté du monde
le trop de rouge
et de bouches
et les bruits de
tessons
qui enflent
dans le glas
remugle d’infinis
et d’entrailles
rien.
Raconte
comme
l’attente est
bourreau
et corde
comme
il fallut taire
l’appel
gorgé
arracher
l’humide.
Car comment
avons-nous été
saisis
avons perdu
au milieu des
verts
et des linges
des mots-éboulis
comment
tournons-nous entre
des grains de lumière
des cercles
d’aucun vol
de nos semelles
de métal ?
Ne voulions
d’autres races
chassées
elles frôlent se
greffent
ne sont pas toi
mais
gens qui creusent
vont au dessous
sous les coulées de
glaise alourdissent
l’ombre
Peut-être
il en fut
un
qui ne ment pas
il se tient
droit
au bord des
levées du monde
en lisière
des minerais
et des tufs
il nomme
veut nommer
ne s’éteins pas.
Il veille
ceux de dessous et
ceux qui partent
tombent
sous les coulées
de glaise
insèrent dans le
cri
le havre
se hissent sur les
rails
dans les barques
les pelles.
Donne leur un
reste de lumière
parole occupée
de vents
un mot-étincelle
cousant les voix
quand soudain
nuit
se renverse
un demain de
neige sur
le rouge.
In, Revue « Conséquence,#2 »,2017
De la même autrice : Trois sud (1 et 2) (08/03/2024)