Pavie Zygas (1949 -) : Berceau de branches vide
Berceau de branches vide
Rose impudique de l’occident
feuille grise du lotus sur la marée d’automne
ne pas écrire au point
où
tout concorde
la terre dans la main
on écoute au-dedans quelque signe dressé
ceux
qui ne parlent pas – la pierre
écrase le lézard
il ne crie pas – la fureur de la guerre
la plante côté nord
tendue
vers la lumière
Vivre ici
et maintenant
parmi nos bombes
à fragmentation
porter haut
le cliquetis des mots
de nos cent fleurs épanouies
pol pot aum bhopal clonage et guernica
tchernobyl charonne columbine hiroshima
wounded knee tian an men erika et kkk
mac carthy tigres tamouls vih et tchetchénie
hutus tutsis petit grégory berlusconi
aulnay-sous-bois piazza fontana bagdad et ben
barka treblinka sabra et chatila al kaïda
golfe persique pinochet perche du nil et kolyma
ah sentier lumineux sur la planète bleue
pauvre ghetto plein de gros sous de sdf
d’intox de moulinex et de textos tolérance zéro
Sous le grand tilleul, l’été, lisant des livres
toutes ces paroles données
vibrantes et fausses
joignant le flot des nôtres
tombées
ah les désirs du cœur sont les arêtes vives
où les chats souples de nos mots vont se blessant
En mémoire de Tao Yuan Ming
Les siècles passent une foison de mots passe barque légère
pareille à la source aux fleurs de pêchers
dans quel hier a-t-elle fui, cette lumière
et ces yeux cette langue
ces doigts – la pierre même sur la tombe
poussière
rendue à notre mère aux beaux seins
mais
aux dent longues
Velléités
pareilles à des parques
à des déesses
à des vellédas mais plus piquantes
fuir
dans l’ordre mystérieux des mots
jouer
incapable
d’être
tranquille
devant les innommables
Rouges camélias
les mots flottent ce sont des fleurs
têtes coupées qu’on voit passer dans le courant
ce sont des fleurs
sur les marches de pierre
dans le printemps à Shishigatani
discipline des mots
pétales de l’être
ou
déréliction
Identifier est un mot fade
jadis je voulais tout verser de toi dans moi
le parfum des lys arrive comme
une respiration
souvenir
de ton éclat
il faut partit mon âme il va pleuvoir
je n’ai pas pris de parapluie
je pose sur la tombe
une carte postale c’est un tableau
et là-dessus un bonbon arlequin tout ce que je possède
les fleurs séchées je les ai oubliées à l’hôtel
le vide continue
de creuser il gagne du terrain
à grandes pelletées
chez nous on ne brûle pas les corps
on les enterre
la terre fait un bruit mat quand elle tombe
l’esprit continue
de battre la campagne
il trouve les mots
identifier est un mot fade
je dirai plutôt de toi : Beauté
inextricable de ma vie
Entre temps
dans quelque creux du temps
je peux étendre mes bras droit devant
- l’eau s’ouvre et se referme –
à l’infini au devant de moi
ou me dresser
sur la pointe des pieds
au centre de l’humaine
désolation
souvent je cherche du temps pour cela
cela je ne sais ce que c’est cela
- les animaux il me semble vivent bien dans cela –
si je pouvais parler l’absent que te dirais-je
ce que je dis là se désintègre aussitôt
explose
dans l’inanité le doute
la douleur piquée d’épingles
je suis tombé dans ton vide j’ai senti
les dessous de ton déguisement
intempestif ton vide est ma prière ma leçon
intempestif quel mot
bizarre quand je le dis il ne s’accorde pas
avec ce cri ténu cette indolence
dans un geste
léger
Berceau de branches vide
dans la brume de mars
un compte secret rassemble
l’espace d’un instant
tout un printemps d’étoiles blanches
l’espace d’un instant
prunier sauvage
la forme de l’énigme
aussitôt consumée
enfouissement
trop court pour être inscrit
si ce n’est
bien en deçà ces mots
l’espace
d’un instant
(*) On retrouve cet extrait, avec quelques modifications, dans "Le vide continue de creuser"
Revue « Voix d’encre, N°37 », 2007
Berceau de branches vide
Editions fissile, 09310 Les Cabannes, 2007
De la même autrice :
La petite fille et la mort (24/12/2020)
parler toute seule (24/12/2021)
Le vide continue de creuser (24/12/2023)