Pavie Zygas (1949 -) : parler toute seule
Parler toute seule
EPITOME
Ce que tu éveilles de saisons mortes, moineau
qui picore de ci de là
n’a rien à faire de lui-même
parfois je le regrette
rire tout seul
pensées fluctuantes il nous faudra mourir
vivre on peut nommer cela
un arc cruel
formes ténues
passant sans cesse d’un désir à l’autre
sans motif
sans fruit
Brûlera-t-elle encore
l’arrogante lune d’été ?
lune d’hiver
brasier pâle
kaki rouge sur la neige
me poursuit désormais
la rigueur de la flèche
Amer amer et amer assez délayé le fiel
dit la mort il faut le boire
sur mes doigts les larmes acides
qui ne fleurissent pas
mon cœur mâle et femelle
guette et n’a pas d’état d’âme
tapi dans le fourré
la mort est partout
parfois intimement courte
celle de l’éphémère
rouge gorge d’hiver tué contre la vitre
chenilles sous le pied
la mort quatre doigts
de la main
Je pèse mes mots
centre
obscur
source
lumière
sang
corps
eaux
le fléau frémit
juste poids juste balance
Inspirer
expirer
derrière les portes du corps
le labeur
de la vie de la mort et dehors
mon œil
anémone océane
ma muse Ataraxie
Parler toute seule remuer le sable
déplacer les pierres
un peu de l’irradiant défi
s’éteint
les grand fruits verts du catalpa
pendent tout droit
le rouge gorge s’agite
étrange paix
qui ne va pas sans peine
au-dessus de ma tête
battent les ailes du septentrion
aujourd’hui premier novembre
face à rien
à la pointe extrême
l’air lui-même devient cendre
Amour laisse mes yeux
animer un moment ce tas informe qu’est le monde parfois
laisse mes yeux se rappeler la cible
comme ce fut un soir d’été
dans l’air déchiré
de cigales
où le voisin dos tourné
ton port ta minceur le profil de ta joue
riait avec les enfants
sous ma fenêtre
brusquement
tombe la lumière du corps absent
Lumière sourde la ligne d’une joue
comme un signe peint
périssable perfection tirée sur le néant
et jamais l’étonnement ne cesse
présent obscur
dressé dans son obscure forme
- talus des bois troué d’énigmes
le corps aimé nous porte
où nous devons aller, simples mortels
en arrière en arrière
par la porte d’Apsù
Rouges camélias
les mots flottent ce sont des fleurs
têtes coupées qu’on voit passer dans le courant
ce sont des fleurs
sur les marches de pierre
dans le printemps
à Shishigatani
discipline des mots
pétales de l’être
ou
déréliction
In, Revue « Moriturus, N° 5, Août 2005 »
Editions fissile, 09310 Les Cabannes
De la même autrice :
La petite fille et la mort (24/12/2020)
Berceau de branches vide (24/12/2022)
Le vide continue de creuser (24/12/2023)