Jean-Pierre Faye (1925 -) : Sélinonte
Sélinonte
l’onde de terre touche et renverse
de l’autre côté les formes de pierre
elle couche le dieu sur la pente
et aligne les colonnes et dresse entre elles
le sol et non plus le soleil
maintenant les colonnes sont lignes
versées sur la plage et l’herbe
je te renverse contre la ligne
qui est feinte et demande
que tu sois et dessines
la colonne de l’air et du corps
et la ligne de l’entre-deux en tous points
celle qui en un point se divise et creuse
et ouvre sur vide qui n’a point fin
en ce point je ne touche ni ligne ni fin
je vais au large de ce qui n’a point d’espace
j’avance dans le corps restreint
qui n’a plus ni contour ni ligne
mais palpe pour moi toute pulsation
et pense pour moi le respirant
et par qui me harasse le lointain
j’en touche les jambes au cœur
je l’ouvre à la pulpe des lignes
je le touche où se renversent
les colonnes les fragiles
je la verse dans sa forme même
lui rends ce qui la forme et déverse
lui versant ce qui l’altère et la garde
afin que la ligne ici la garde
et que la sauve la hauteur des colonnes
ou que leur entrouverture la réserve
et entre elles joue le soleil
qu’éclate entre elles la couleur
je demande que toute lumière se fasse
et invente que l’éclat soit salutaire
et je supporte mal que le temps me dure
et n’ai patience du mal qui me tenaille
je défais la maille qui à temps me lie
et m’enfonce en ce qui me relie
où le souffle jette colonnes et lignes
la vague met à terre sol et forme
le choc renverse et couche le pli
*
tenaille me tient
et ne me laisse
me consume le plomb
coulé en laisse ou lavure
ne puis aller par delà
de la ligne ou laisse
m’enfonce au mélange ou fumée
de la laisse des bêtes noires
marié descend et remonte
submerge au sol de laisse
*
pour vrai je n’en puis
puis-je mais de cela
ne sais où me rendre
cherche où est le faire
poursuis la défaite
défais le survivre
ne sais comment me rendre
sans céder le voi
rendrai le sommé
verrai le déjà
sans voir qui je verrai
y perdrai le survivre
tenterai le perdre
essaierai le libre
*
le grand filet poussé dans l’air
raclant le sens par
la lumière
creusant et recourbant
le cintre pour le
où . le voi
et qui ourle et houle couleur
et ferle forme
forme est le bassin d’eau
où entre carènes
en répare
elle le tire en
ouaiche ou
ouage
vers la flottante et
le sillage
de couleuvrine
forme . éclisse. bois de fente
*
nuit l’entour et l’éteint
afflux de la
nuit entourante sur le dessin
où ça se tente de voir
yeux ouverts dans nuit
des lèvres de ses jambes
à la fusion
du centre de son
cœur
In, Maurice Partouche : « Jean-Pierre Faye »
Editions Seghers(Poètes d’aujourd’hui), 1980
Du même auteur :
Al Djezaïr (14/12/2015)
« Le visage qui va… » (14/12/2016)
Partage des eaux (14/12/2017)
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