Paul Fort (1872 – 1960) : Hymne dans la nuit
Hymne dans la nuit
L’ombre, comme un parfum, s’exhale des montagnes, et le silence est tel
que l’on croirait mourir. On entendrait, ce soir, le rayon d’une étoile remonter
en tremblant le courant du zéphir.
Contemple. Sous ton front que tes yeux soient la source qui charme de
reflets ses rives dans sa course... Sur la terre étoilée surprends le ciel, écoute
le chant bleu des étoiles en la rosée des mousses.
Respire, et rends à l’air, fleur de l’air, ton haleine, et que ton souffle chaud
fasse embaumer des fleurs, respire pieusement en regardant le ciel, et que ton
souffle humide étoile encor les herbes.
Laisse nager le ciel entier dans tes yeux sombres, et mêle ton silence à
l’ombre de la terre : si ta vie ne fait pas une ombre sur son ombre, tes yeux et
la rosée sont les miroirs des sphères.
Sens ton âme monter sur sa tige éternelle : l’émotion divine, et parvenir aux
cieux, suis des yeux ton étoile, ou ton âme éternelle, entrouvrant sa corolle et
parfumant les cieux.
A l’espalier des nuits aux branches invisibles, vois briller ces fleurs d’or,
espoir de notre vie, vois scintiller sur nous, - scels d’or des vies futures, - nos
étoiles visibles aux arbres de la nuit.
Ecoute ton regard se mêler aux étoiles, leurs reflets se heurter doucement
dans tes yeux, et mêlant son regard aux fleurs de ton haleine, laisse éclore à tes
yeux des étoiles nouvelles.
Contemple, sois ta chose, laisse penser tes sens, éprend-toi de toi-même
épars dans cette vie. Laisse ordonner le ciel à tes yeux, sans comprendre, et
crée de ton silence la musique des nuits.
Ballades françaises
Editions du Mercure de France, 1897
Du même auteur :
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Le bonheur 30/(05/2015)
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