Rouada Al-Hadj (19 ? -) : Sur la côte, le cœur confesse
Sur la côte, le cœur confesse
Jour après jour augmente ma conviction
que j’ai été créée pour toi
J’ai vu de mes propres yeux ta bouche dire
les poèmes avant moi
et sans toi, Ô homme qui m’as envahie comme une fièvre côtière,
je suis desséchée comme un pays détruit
et pâle comme le ruisseau à sec
et je n’ai ni couleurs ni goût
et mon odeur est comme le lit de l’étang que la pluie n’a pas visité
Jour après jour augmente ma conviction
que tu es un homme venu de tout l’espace
et que tu as colorié le visage de la vie qui m’appartient
avec les couleurs de la vie
et le goût de la vie
et les formes de la vie
Etranger qui es apparu à l’univers au soir d’un jour
j’ai crié : « C’est toi, ma voisine ? »
Tu n’as pas répondu
mais je savais
bénis soyons-nous, nous les étrangers
Jour après jour augmente ma conviction
que je suis comme une allumette
qui ne flambe qu’une seule fois
Alors, sois cette fois !
et laisse-moi illuminer de nuit ton champ
car tu es seul à posséder le secret des allumettes
qui flambent de longues années, pour une longue vie
Toi seul, tu donnes à l’existence la belle couronne coloriée de la vie
Toi seul, tu convaincs le cœur, ce badineur révolté et effronté en tout,
d’en finir avec la mauvaise habitude qu’il a contractée depuis longtemps
et qui revient à chaque nouvelle aube et s’appelle le départ
Jour après jour augmente ma conviction
que j’endure ta présence,
j’y insiste, comme la plus grande prison
que mon existence ait connue
Je contrefais la vérité quand je te nomme mon ami
et que je dis que tu es une partie de moi
que tu es un petit symbole décorant mes cheveux
Je pratique la jolie peur des femmes
et je cache même aux amis ma situation
Alors tu deviens une nouvelle et belle voix
une fleur de jasmin qui parfume toutes mes lettres et ma pudeur
et mes lettres me trahissent
O toi, ma peur que mon parfum soit senti des gens
Jour après jour augmente ma conviction
et j’en consolide les fortifications
Par où vais-je fuir de ma certitude
qui se dresse autour de moi comme une barrière d’herbe, de jasmin
et de chèvrefeuille ?
Jour après jour augmente ma conviction
S’il vous plaît, pour l’amour de Dieu,
renforcez ma certitude.
Traduit de l’arabe par Maram al-Masri
in, « Anthologie des femmes poètes du monde arabe »
Le Temps des Cerises, éditeurs, 2019