Pierre Unik (1910 – 1945) : Appel
Appel
Nous marchions insensibles au décor bariolé
Dans la ville inconnue livrée aux hommes d’armes
Les hautes maisons noires éclaboussées de feu
Muettes comme la peur
Dérivaient au large
La cavalerie des nuages lourdement chevauchait les crêtes
Cà et là des dentelles à flanc de roc étincelaient
Et la nuit porta un doigt à ses lèvres
Au matin tu serais venue te pencher sur moi
J’ai vécu comme un mort sans vivre ni mourir
Tout le sang de la terre et les larmes et les rayons
N’effaceront pas ce plis sur mon cœur
Je chante encore cependant
Ce qui n’a plus de traits dans ma mémoire
Les beaux bouquets de roses et les regards secrets
Les chevaux bondissant dans les prairies mouillées
La mousse sous tes pas ton genou écorché
Les rires les buissons pleins d’insectes dorés
Les silences merveilleux de la mer l’étoile
L’absence
Epaule contre épaule
Il n’a pas fallu que nous fussions heureux
Comme il eut été doux
D’attendre
Chant d’exil
Les Editeurs français réunis, 1972
Du même auteur :
Les égaux (26/10/2018)
La société sans hommes (26/10/2019)
L’oubli (26/10/2021)