Jean Rousselot (1913 – 2004) : Sept petites plaintes
Sept petites plaintes
Comment dire
Et pourquoi
A quel égal que j’ignore
Ce charroi cette ornière
Ce tremblement
Ces choses qui s’affolent
Sous la roue
Et que je suis tout cela
Roue et douleur
Parois pavés paroles pour
Trembler
Trembleur qui creuse l’ornière
Comme on bricole
*
A quoi bon maintenant
Que tu m’as livré aux menues bêtes du temps
Feindre de durer
Le voudrais-je comment subsister
Si je n’ai plus à brouter
Le chèvrefeuille de ta voix ?
Et comment Etre
Si je n’ai plus pour refuge ton refus
D’Exister ?
*
Au plus que puis-je ?
Violoner en trébuchant
Jusqu’à l’estuaire du verbe Vivre
Les trois syllabes de ton nom
*
Et me voilà vieil homme
Offusqué par l’été venu quand même
Un moteur qui va
Des réponses qu’on fait
Où était-ce et quand
Pour la dernière fois
L’indulgent oubli la joie
Ouvrière des mains
La note tenue avec
Jusqu’au souvenir des justes causes
D’ailleurs et d’ici
S’en est allé de moi
Depuis que tu as mis fin
A mon éternité
*
Ai-je vécu
Il ne s’est jamais rien passé
Que toi
Et seul demeure de moi
En moi
Ce que tu as fondé
Toi qui ne sais pas les mots qui lèvent
Toi dont une plume d’ange
Ecraserait la main
*
Que vais-je faire de moi
Si tu n’es plus que quelqu’un ?
Que va devenir ce monde
Si le temps y règne à ta place ?
*
Gravas tessons voilà ma vie
Oui c’était ça qui se prenait pour
Du blé tardif
Sous toi ma neige
D’un coup fondue
Fallait-il encore
Que tu y ajoutes
L’ortie la rouille
Et ce laser qui va me poursuivre partout ?
In, revue « Sud, N°17 »
Marseille, 1975
Du même auteur :
Il faudrait être encore plus simple (18/09/2016)
Retour (29/07/2019)