René - Guy Cadou (1920 – 1951) : Cornet d’adieu
Cornet d’adieu
Jésus a dit
« Il n’y aura pas de printemps cette année
Parce que Max(*) s’en est allé
Emportant les chevaux les vergers et les ailes
Parce que sur la croix le bon Saint Matorel
A lâché les oiseaux vers un pays glacé »
Et c’est vrai. Les bourgeons se taisent. Les poitrines
Voient se faner leurs seins. Tout au fond des vitrines
Une enfance à genoux se suicide et le ciel
Epuise en un regard ses réserves de miel
Il fait froid maintenant que tu n’es plus
Beau masque de douleur
Maintenant que tes mains ont trouvé sous la terre
Enfin le battement initial de ton cœur
J’entends ta voix pareille aux chants du monastère
Et tandis qu’on te fait place dans la lumière
Les hommes prient pour toi à Saint-Benoît-sur-Loire
Tu étais sur tous les quais de toutes les foires
Au pain d’épice
On te trouvait dans les coulisses
Des bals champêtres
Tu discutais avec les prêtres
Souvent tu m’écrivais et c’était chaque fois
Des bavardages de bergères et de rois
Tu m’écriras encore
J’attends tes reportages sur la mort
le Nom vernal
O Max
Et l’élixir du laboratoire central
J’attends que soit connu la décision de l’ange
Que Dieu prenne parti pour toi et qu’il t’arrange
Une vie dans le cœur de tes amis natals.
(*)Le poète Max Jacob
Pleine poitrine
Editions Pierre Fanlac, Périgueux 1946
Du même auteur :
« La nuit ! la nuit surtout… » (18/01/2014)
« Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires… » (18/01/2015)
Les visages de solitude (18/01/2016)
Hélène (18/01/2017)
Celui qui entre par hasard (18/01/2018)
L’inutile aurore (18/011/2019)
La maison d’Hélène (18/01/2021)
La Haie Longue : 1km (18/01/2022)
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