Pablo Neruda (1904 – 1973 ) : Le paresseux / El perozoso
Le paresseux
Continueront voyager choses
de métal entre les étoiles
des gens s’exténueront monter
pour violer la lune douce
là-bas fonder leurs pharmacies
En ce temps de vendanges pleines
le vin chez nous commence à vivre
de la mer à la Cordillère
Au Chili dansent les cerises
chantent des fillettes obscures
et dans les guitares l’eau brille
Le soleil joue à toute porte
Et fait miracles pour le blé
Le premier vin est rosé
Il est doux comme un enfant tendre
Le second vin est vin robuste
Comme la voix d’un marinier
Le troisième est une topaze
Incendie et coquelicot
J’ai mer et terre à la maison
Ma femme a des yeux gigantesques
Couleur des noisettes des bois
Et lorsque vient la nuit la mer
Se pare de blanc et de vert
Et puis dans l’écume la lune
Rêve en fiancée océane
Pourquoi donc changer de planète
Traduit de l’espagnol par Louis Aragon
In, « Elégie à Pablo Neruda »
Editions Gallimard, 1966
Du même auteur :
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Testament d’Automne (02/11/2016)
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El perozoso
Continuarán viajando cosas
de metal entre las estrellas,
subirán hombres extenuados,
violentarán la suave luna
y allí fundarán sus farmacias.
En este tiempo de uva llena
el vino comienza su vida
entre el mar y las cordilleras.
En Chile bailan las cerezas,
cantan las muchachas oscuras
y en las guitarras brilla el agua.
El sol toca todas las puertas
y hace milagros con el trigo.
El primer vino es rosado,
es dulce como un niño tierno,
el segundo vino es robusto
como la voz de un marinero
y el tercer vino es un topacio,
una amapola y un incendio.
Mi casa tiene mar y tierra,
mi mujer tiene grandes ojos
color de avellana silvestre,
cuando viene la noche el mar
se viste de blanco y de verde
y luego la luna en la espuma
sueña como novia marina.
No quiero cambiar de planeta.
Estravagario, 1958
Poème précédent en espagnol :
Claudio Rodriguez : Don de l’ivresse / Don de la ebriedad (04/10/2019)
Poème suivant en espagnol :
Blues de l’escalier / Blues de la escalera (04/12/2019)