Michel Dugué (1946 - 2024) : « Mais la douceur s’avoue vivace... »
..... Mais la douceur s’avoue vivace lorsqu’un subtil éclairage attendrit les
eaux. Chaque pierre tressaille comme au sortir d’un malaise ou d’une période
de mutisme. Le ciel déverse ses bleus, ses mauves, ses blancs. Enrobe les rives,
y met de l’air et des rumeurs. C’est d’un retour qu’il s’agit où le regard se libère
de trop d’insistances. De celle qui, par exemple, nous fait prendre une nappe de
brume pour un linceul ou le cri d’un goéland pour un funeste oracle.
... La pluie accourt de l’ouest. Elle a dû aborder la presqu’île avec la vigueur
d’un fouet. Elle avance par rangs serrés. Haletant dans son désir de croître.
Elle laisse sous elle une lumière pâle qui parfois s’emmêle à ses plus hauts
moments. Et pareille à une torche va lessiver les nuages. L’eau rejoint l’eau. Le
visage est une rigole de larmes. Les pierres se dorent de rouille. La mer ne veut
pas noircir. Les oiseaux crachent du blanc. Ce sont des cheminées qui fument.
Ici n’est pas pays de neige mais quelque chose qui s’en approche. Nous
pouvons tendre les mains. Elles se referment sur le souvenir de ce qui fut. La
pluie est ce que je ne peux dire. Elle a des traînes mais point de clameurs.
S’évapore avant même d’être au sol. Après quelques heures, elle acquiert une
régularité. Sa vigueur s’est transmuée en pendule. Je peux alors la toucher du doigt.
Mais il y a la mer
Le Réalgar-Editions, 42000 Saint Étienne, 2018
Du même auteur :
« Aucun de nous … » (28/03/2016)
Nocturnes (14/06/2020)