Jean Joubert (1928 – 2015) : « Ainsi je fus... »
Ainsi je fus, dans cette nuit d'exil,
prison et prisonnier et lueur à la fissure,
indéchiffrable signe en moi-même gravé,
exilé dans mon corps, dans ce fuseau de pierre,
oisif et prisonnier de lianes et de nerfs,
aveugle, traversant une secrète nuit
de bêtes enlacées, d'insectes et de dards,
où s'effrite la pierre, où s'usent le regard
et la bouche et le coeur à des limes funèbres,
m'alourdissant de tous mes songes, terrassé
par des meutes sorties de l'eau, dont les abois
cernaient, traquaient les gestes et les voix.
Je poursuivais un souvenir de branche
et de neige, un souvenir d'oiseau volant bas
dans le silence pourpre d un ciel pulmonaire,
sur un rivage où neige, branche, oiseau
n'étaient que l'ombre exsangue et plus lointaine
d'une beauté violente en fuite sur les eaux.
Corps désarmé à la merci des arbres
Guy Chambelland éditeur, 1969
Du même auteur :
« Et nous vivrons sous le silence de la neige… » (15/08/2014)
« A l’aube… » (27/10/2017)
« Asseyez-vous, peuples de loups ... » (27/10/2019)
« Silence, chiens !.. » (27/10/2020)
De l’épervier (22/05/22)