Ronny Someck (1951 -) / רוני סומק : Blues du troisième baiser
Blues du troisième baiser
Elle était presque la première et j’ai voulu l’appeler Eve.
Elle m’appelait Peugeot car j’étais son 306 ème.
Quelques années nous séparaient – elle les avait en plus – et jusque-là
je n’avais jamais fait de stop dans des voitures qui n’arrêtaient pas.
Nous étions debout près de la haie de l’école agricole et sous
nos pieds on pouvait entendre comment
dans les tuyaux d’arrosage l’eau adoucissait
un secret à la terre.
« Si tu plantes un fer à cheval, disait-elle, dans un an
un cheval y poussera », et « Si, disais-je tu y plantes un ventilateur
en un instant s’élèvera la robe de Marilyn Monroe. »
Un instant plus tard ses lèvres ont commencé à se dissoudre comme le sable
et sa langue s’est lancée vers mon visage
comme les restes d’une vague.
A ce moment-là le monde était scindé entre ceux qui fermaient les yeux
et les tambours du champ d’honneur
du crépuscule.
Voilà pourquoi je n’ai pas vu près de moi les roues du tracteur
qui passait éclaboussant l’eau des flaques,
ni les éclats de boue, comme des baiser volants, giclant
sur les muscles des nuages condamnés, le soir venu, à
faire basculer le soleil
dans la mer.
Traduit de l’hébreu par Marlena Braester
In, Ronny Someck : « Constat de beauté »
Editions Phi, 4050 Esch-sur-Alzette, 2008
Du même auteur :
Un chiffon brodé. Poème sur Oum Kalsoum (13/08/2015)
Bloody Mary (13/08/2016)
Albanie, vers la citadelle Kruja (13/08/2017)