Paul de Roux (1937 – 2016) : Le corps rayonnant
Le cops rayonnant
Moment où il semble qu’en nous le paysage tourne,
quand nous ne savons plus y trouver un chemin :
ni la vraie vie ni la mort mais la vie obstruée
par ce qui n’a ni forme ni visage et que l’on n’ose
attaquer crainte de se tromper de cible
- si la faiblesse n’est pas la seule cause
de cet accablement. (Je vois les toits ressuyer
après la pluie qui laisse le ciel aussi couvert
et dans la cour j’entends des bruits
de caisses que l’on déplace et je m’élance
- trop faiblement – vers une terre découverte
qui est cette femme nue dans la solitude
de sa chambre et qui rêve et ne sait pas
qu’elle est une goutte d’eau aux lèvres
dans le désert de celui qui ne la verra pas
- car il n’y a pas d’oeil qui la surprenne
- rien qui la surprenne, mais son corps rayonne
et au-delà des murs et des arbres qui gouttent
s’impose à l’inconnu qui est proche soudain
de surprendre un mystère reformé – la terre
ainsi parfois s’éclaire, se rembrunit la vie
d’un homme épouse ces moments peut-être malgré lui
- et ce sont leurs noces cependant.)
La Nouvelle Revue Française, N°443, Décembre 1989
Editions Gallimard, 1989
Du même auteur : les discrets (22/06/2019)