Françoise Ascal (1944 -) : « Des orages, chaque jour... »
Des orages, chaque jour, qui
métallisent le paysage. Lumière implacable
qui jaunit la gamme des verts frais d’avril –
ces verts que j’ai longuement contemplés
dans les toiles du musée de Colmar et de
Bâle, sur ces robes moyenâgeuses, austères,
d’où émerge un long cou blanc, un visage
qui ne sourit pas, se détachant sur fond de
tenture pourpre. Oui, vert de Bâle, ainsi je
le nomme, et l’aime, et rêve de m’en vêtir à
mon tour. Il y entre un soupçon de moutar-
de, une pointe de bronze, et c’est exacte-
ment cela que je vois, aujourd’hui, à travers
la fenêtre, à perte de vue, couleur de bour-
geons naissants, des prés renouvelés, de la
jeune sève un peu aiguë, un peu acide, un
peu criarde. Pas si loin de l’or, tout compte
fait, comme si des traces d’automne et
d’hiver aux tons recuits s’attardaient, per-
sistaient par delà le gel, jetant leurs derniers
feux dans l’explosion printanière. Pour quel
impalpable message ?
(Journal)
Revue « Le nouvel Ecriterres, N° 5,
Printemps 1991
Plonéour-Lanvern (29720), 1991