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Le bar à poèmes
28 décembre 2017

Maurice Maeterlinck (1862 – 1949) : Cloche à plongeur

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Cloche à plongeur

 

 

Ô plongeur à jamais sous sa cloche ! 

Toute une mer de verre éternellement chaude ! 

Toute une vie immobile aux lents pendules verts ! 

Et tant d'êtres étranges à travers les parois ! 

Et tout attouchement à jamais interdit ! 

Lorsqu'il y a tant de vie en l'eau claire au-dehors !

Attention ! l'ombre des grands voiliers passe sur les dahlias des forêts sous-marines ; 

Et je suis un moment à l'ombre des baleines qui s'en vont vers le pôle !

 

En ce moment, les autres déchargent, sans doute, des vaisseaux pleins de neige dans

     le port !

Il y avait encore un glacier au milieu des prairies de Juillet !

Ils nagent à reculons en l'eau verte de l'anse !

Ils entrent à midi dans des grottes obscures !

Et les brises du large éventent les terrasses !

Attention ! voici les langues en flamme du Gulf-Stream !

Écartez leurs baisers des parois de l'ennui !

On n'a plus mis de neige sur le front des fiévreux ;

Les malades ont allumé un feu de joie,

Et jettent à pleines mains les lys verts dans les flammes !

 

Appuyez votre front aux parois les moins chaudes, 

En attendant la lune au sommet de la cloche, 

Et fermez bien vos yeux aux forêts de pendules bleus et d'albumines violettes,

     en restant sourd aux suggestions de l'eau tiède.

 

Essuyez vos désirs affaiblis de sueurs ;

Allez d'abord à ceux qui vont s'évanouir :

Ils ont l'air de célébrer une fête nuptiale dans une cave ;

Ils ont l'air d'entrer, à midi, dans une avenue éclairée de lampes au fond d'un

     souterrain ; 

Ils traversent, en cortège de fête, un paysage semblable à une enfance d'orphelin.

 

Allez ensuite à ceux qui vont mourir.

Ils arrivent comme des vierges qui ont fait une longue promenade au soleil, un

     jour de jeûne ; 

Ils sont pâles comme des malades qui écoutent pleuvoir placidement sur les

     jardins de l'hôpital ; 

 Ils ont l'aspect de survivants qui déjeunent sur le champ de bataille. 

Ils sont pareils à des prisonniers qui n'ignorent pas que tous les geôliers se

     baignent dans le fleuve, 

Et qui entendent faucher l'herbe dans le jardin de la prison.

 

Serres chaudes,

Léon Vanier éditeur, 1889

 

Du même auteur :

« Et s’il revenait un jour… » (09/06/2015) 

« On est venu dire… » 09/(06/2016)

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