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Le bar à poèmes
17 novembre 2017

Fernando Arrabal (1932 -) : Requiem pour la mort de Dieu

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Requiem pour la mort de Dieu

 

Dieu est-il mort ou bien les dieux

A qui ma prière s’adresse ?

Faut-il renoncer aux adieux ?

Qui entendra notre détresse ?

 

La terre est vide et le ciel creux

Jadis peuplé de tant de fêtes.

Un temps où nous étions heureux

Quand les dieux dansaient sur nos têtes.

 

Zeus a cessé de nous poursuivre

De sa colère et de son foudre.

L’or pour nous s’est changé en cuivre

Et le marbre réduit en poudre.

 

Jéhovah ne nous parle plus

Sur le Sinaï déserté

Et tout n’est qu’infernaux palus.

Que faire de la liberté ?

 

Le Christ descendu de la croix

Ne s’élève plus dans les cieux.

Je ne peux pas dire : « je croix »

Innocent comme nos aïeux.

 

J’aurai aimé au fond des bois

Célébrer des cultes étranges.

Maintenant le vin que je bois

N’est que celui de nos vendanges.

 

Pan joyeux quand reviendras-tu

Jouer de ta flûte enchantée ?

L’écho pourtant se fait têtu

De l’aire que tu as hantée.

 

Caché dedans les frondaisons

A l’heure où le pâtre sommeille

Tu rêvais gaillardes saisons

Et lourdes grappes de la treille.

 

Tu épouvantais les troupeaux

Taquinais nymphes et bergères.

Bouffon dépourvu d’oripeaux

Tu aimais les cuisses légères.

 

Par les après-midi d’été

Tu guettais l’ardent chevrier

Qui en état d’ébriété

Eros s’empressait de prier.

 

Satyres faunes et sylvains

Chèvrepieds aux cornes fourchues

Nos efforts sont devenus vains

Pour prier vos ombres déchues.

 

A qui donc adresser nos plaintes ?

Les lauriers des bois sont coupés.

Plus de liturgies, plus de saintes

Plus de fées, d’anges attroupés.

 

Plus de séraphins en extase

Plus d’auréoles ni d’encens.

Plus de Mercure et son pétase

Plus de dieu qu’on verrait dansant.

 

Tournerons-nous vers Zoroastre

Nos vœux restés inexaucés

Si dans le ciel plus aucun astre

Ne nous permet de nous hausser ?

 

Nitchevo, rien, Frédéric Nietzsche

Pas même l’éternel retour

Jamais plus ne me rendra riche

De l’or de l’immortel amour.

(Paris, 13-V-2004.)

 

Revue « Poésie 1 / Vagabondages, N° 42, Juin 2005 »

Le cherche midi éditeur, 2005

Du même auteur :

 « J'ai une bulle d'air… » (17/11/2014)

Je te salue démente ! (17/11/2015)

Il est parti sans faire cygne (17/11/2016)

Ai-je parlé pour mieux me taire ? (03/04/2019)

Kétamine (heureux !) (03/04/2020)

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