Fernando Arrabal ( 1932 - ) : Il est parti sans faire cygne
Il est parti sans faire cygne
(Méditation au bord de l’eau pour Chan Ky Yut)
Le noyé danse au fil des eaux
Sous le saule qui le caresse.
L’homme passe entre les roseaux
Il semble en proie à la paresse.
Il ne peut voir le nuage
Qui dessine des barbes blanches
Il n’est plus qu’un corps qui surnage
Ou qui dérive entre les branches.
La forêt se devine au loin
Sous une gaze de lumière.
Il ne sera bientôt qu’un point
Qui disparaît dans la poussière.
La roche surplombe la rive
Et l’herbe croît le long des berges.
On n’entend plus la voix naïve
Des oiseaux dans les hauteurs vierges.
Le vent s’est tu et se souvient
De tant de cortèges funèbres.
Mais l’homme est seul et rien ne vient
L’accompagner dans les ténèbres.
Le silence pèse sur l’eau.
Le temps trône sur sa balance.
Il n’est pas meilleur tombeau
Que celui où l’on flotte et danse.
Que d’Ophélie s’en sont allées
Lovées dedans leurs tresses blondes !
Mais l’homme ignorait les allées
Qui mène au meilleur des mondes.
Il est parti sans faire cygne
Dans le paysage serein.
On ne sait ce que la mort signe
Dans ce tableau au bord du rien.
(Moscou-Paris, 20-IV-2004)
Revue « Poésie 1 / Vagabondages, N° 42, Juin 2005 »
Le cherche midi éditeur, 2005
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