Jacques Prevel (1915 – 1951) : "Au moment d’écrire..."
Au moment d’écrire j’ai déjà perdu par le doute l’ivresse de la vision
Et cette terre m’abandonne où je suis venu me briser
Je connaissais en m’éveillant
Ce que je ne pourrai vous répéter sans trahir
C’était l’horreur de toute mécanique de l’esprit
L’horreur des oeuvres décalquées sur l’automatisme cérébral des scléroses
Pierres polies et dépolies par le flux et le reflux de ce qui ne peut se répéter
Et je dénonce la raison paranoïaque des moines valorisée par l’avortement
de la mémoire
Que toute vision ne soit qu’un jaillissement sur la mer haute du délire
Où seuls aborderont ceux qui ne connaissent rien
Ceux qui ne savent rien
Car je crois que tout s’est perdu dans l’horreur des filiations sans généalogie
formelle
Et qu’il n’est pas un homme qui soit s’il n’est déjà de naissance transmissible
et intransmissible
La révolte même peut se perdre à dénoncer la faillite
Puisqu’il n’existe pas de force pour détruire
Sinon le regard jeté par une nuit sans sommeil
Sur ce monde inapaisé de signes et de violence
De colère et de haine
Editions du Lion, 1950
Du même auteur :
« Dans le temps, dans la nuit... » (04/06/2014)
« Ce que je peux dire… » (04/06/2015)
« Enfant je me suis étonné… » (04/06/2016)
« Au moment d’écrire… » (04/06/2017)
En dérive vers l’absolu (04/06/2019)
Tous nos amis sont morts (04/06/2020)
« J’ai tout jeté dans l’extase... » (04/06/2021)
« Que chaque parole... » (04/06/2022)
Je suis un homme à même un monde... (04/06/2023)
Je t’ai raconté l’histoire 04/06/2024)