Pierre Emmanuel (1916 – 1984) : Les plaines sous le joug
Les plaines sous le joug comme des bêtes lasses
Tirent aiguillonnées par les vents vers la mer.
Asie, tes horizons d’ivoire ! Tes royaumes
Cousus, momies, dans les déserts parcheminés !
Tes échos hennissant çà et là dans les âges
– Poulains perdus pleurant les montagnes rasées !
Où est Palmyre, d’or et de jais sous les palmes ?
Où sont les cèdres bleus des Libans consumés ?
N’ayant plus que leur ombre à paître, elles sont mortes
Les forêts harcelées de feuilles et d’essaims.
Sous l’éperon des soleils fous, j’ai vu des villes
Ruer des quatre fers sous un ciel de silex,
Faisant grêler des nuées d’astres, sauterelles
Broyeuses de feuillage et de marbre : une nuit
Passait. L’aube en ruine avait mille ans. La terre, noire, portait
le deuil de vingt peuples poudreux.
Babel
Editions Desclée de Brouwer, 1951
Du même auteur :
In Tenebris (27/07/2014)
Interrogatoire (11/04/2016)
Au nom secret (24/05/2018)