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Le bar à poèmes
16 décembre 2016

Jean-Claude Renard (1922 - 2002) : Noir – mais pour initier

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Noir – mais pour initier

 

I

 

De biais

Longeant la lise verte,

Les mouettes suivent, piquent du bec

Le mot semblable et différent écrit sur chaque coquillage

Tête prosternée,

Pressentent-elles sous le varech

Ce moment neutre où la braise : accrue, réduite d’un tison

 - Va se renflammer ou s’éteindre ?

 

2

Nul ne déchiffre,

Hors la fable,

Qu’une île plus l’autre font trois : non deux

Dans la limaille de la mer,

- Par même aimant

D’écart et d’alliance

Signant le pluriel

De l’Un

 

3

A peine l’huître entre les lèvres

Et la main propice au poulpe blanc

- Une résine incante l’or.

Serait-ce là,

Comme l’anémone,

Qu’indéfiniment l’inconnu

S’enfante, fruite, s’ouvre et se ferme à juste guise

Ou selon le vif du sang ?

 

4

Peut-être,

Quand l’épine s’enfonce dans la fête

Des figues fraîches et fendues

Où l’origine accueille le futur,

- le prisme sacré

Diffuse t-il d’une égale merveille

La lumière et l’ombre

Du dieu…

 

5

 

Mais pour sonder le quartz noir

- Quel corps

S’arrachant aux rites , brûlant l’alibi de l’absence

Osera sans leurre

Courir la chance du non-retour :

Entrer nu

Dans le puits avide et terrible où (fût-ce comme par imposture)

L’anguille craint de s’insinuer ?

 

6

Les prophéties, parfois, semblent d’un grand cri rouge

Saluer quoi dans le néant…

Sauraient-elles s’il ruse

- Ou qu’une étrange nuit lovée dans la nuit familière

Y loge, veille, mûrit l’illimité

Puis monte à travers la banquise

Eclairer le langage qui vient, par transhumance, de l’intime indicible ?

Reste qu’au vœu de vivre

L’abîme dédie,

Greffe plus que l’abîme

 

7

Sous le sable, où méditent ses nids, flairer la source

Hallucine !

Pourtant, les buissons d’algues, le corail que l’oursin célèbre

Citent l’énigme à comparaître,

- Et risque pris, désir dressé vers le silence,

Epient le feu,

Guettent l’écho de la fenêtre qui rendrait possible

L’impossible !

 

8

Si le mythe luit à marée basse,

-N’est pur instant

Que par déplis et plis de soi

Ce qui renîat avant de naître.

Le vide

S’emplit de salive.

Et mangeant la mort, comme l’étrille, une joie s’approche sur les galets…

 

9

Seul le mystère

Fonde l’être.

 

La Lumière du silence

Editions du Seuil, 1978

Du même auteur :

Approche de la mort (14/10/2014)  

Psaume de Pâques (16/12/2015)

L’exode annonce une rivière (16/12/2017)

 

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