Maurice Roche (1924 – 1997) : « J’ai tellement eu faim… »
J’ai tellement eu faim dans ma vie que ça m’a coupé l’appétit
à jamais.
Dur à avaler quand on sait qu’on ne pourra régler l’addition
dur à avaler le sandwich qui vous fait une boule à cri étranglé,
difficile de déglutir quand on n’a pas de quoi payer c’qu’on graille !
La phrase pour exprimer cela vous étouffe avec. Pourtant çà creuse,
l’inanition.
Un véritable métier que de chercher du travail ; une sorte de
profession libérale avancée. Mais quelle occupation harassante !
vraiment pas payée pour le boulot que çà donnait… Et aucune
garantie sur l’avenir…
Chaque jour levé de bonne heure.
Lecture des petites annonces.
Lettres avec curriculum vitae.
Coups de téléphone – « occupé/occupé/occupé » : la place est
libre ;
« libre » : la place est prise.
Métro ou à pied le plus souvent.
Se présenter à.
Salle d’attente.
Bureau de l’employeur :
- V’z’ êtes trop jeune, mon vieux !
Les années ayant passé, la chance a tourné. C’est devenu :
- V’z’ êtes trop vieux, mon p’tit
Je ne vais pas bien, mais il faut que j’y aille.
Editions du Seuil, 1987
Du même auteur :
« Je vis la mort à chaque instant… » (06/12/2014)
« Tu perdras le sommeil… » (06/12/1205)
« Je suis un malade, … » (06/12/2017)
« La douleur qui, peut-être... » (06/12/2018)