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Le bar à poèmes
15 octobre 2016

André Gaillard (1898 - 1929) : Sans nom

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Sans nom

 

L’aventure et la délivrance

Ont perdu ma raison

La raison d’être seul.

 

Un prisonnier n’en croit pas son amour

Fin des croyances fin des erreurs

Il est temps de ne plus dormir.

 

*

La bouche et les yeux de la révolte

La grande convulsion

Mes poings pour un baiser

Mes dents pour un sourire

 

Puis la tendresse s’est penchée coquine à fleurs et à feuillages

Je ne m’en serais jamais douté

Quel sourire quel pâle sourire

Sa bouche efface tous les serments de liberté !

 

*

Liberté liberté

Quand cet oiseau muet descendait sur ta bouche

En mourant tu brulais les dernières cartouches

 

*

Une chambre dans un grand port

Et mon amour dans cette chambre

Comme les cris les bruits sont maîtres de la ville

Le silence est mon maître éperdu.

 

Dans le silence s’élève un chant pur

Et personne ne l’entend.

 

Mon amour n’est pas aux vivants.

 

*

Mes bras se souviennent de l’avoir ignorée

Cœur sans pardon entends ce hurlement

Ma honte d’être vivant lorsque je suis loin d’elle.

 

*

Dans les foudres nocturnes de l’amour

Mes yeux et mes mains la caressent

La voilà blanche et lisse

A n’en plus sourire.

 

Immobile bonheur que rien ne perpétue

Ma vie qui l’a créé se couche sous ton sein

 

*

Quel insistant quel secret chemin

M’a conduit sous ses os entre ses veines

Dans toute cette vie d’herbe et de sang

Dans cette vie animale et murmurante où je me perds avec le vent.

 

Renversé dans son corps je suis ma seule image

J’attends l’air qu’elle respire et la lumière qu’elle me rend

Je m’embrasse en l’aimant

Et son souffle où voltigent tous les oiseaux aveugles

Est ma réalité.

 

Je la perdrais en le perdant.

 

*

Parfois pour m’éprouver

Elle prend d’autres visages

Rusée dans les lianes et prise à sa douleur

Je la délivrerais toujours.

 

*

Lorsque ses yeux se ferment ils ne m’apprennent qu’à mourir

En silence

A mourir sur son corps où la douleur renaît

Mais qu’elle les rouvre et qu’elle m’éveille

Je tremble de bonheur

D’un bonheur ingénu qui me lave de toute science.

 

Je ne sais plus que la couvrir

Le ciel est dans ses bras il ne tombera pas

Je la recouvre de mon corps

Le ciel est dans mes bras je ne tomberai pas.

 

*

Je t’ai choisie pour nommer l’amour

Tous mes mots sont à elle

Tous mes mots vont à elle

Ils la frappent et l’entourent.

 

Dans la buée du silence

Dans mes brumes de rêve

Ils dessinent son nom son corps et son visage

Ils l’encerclent comme une nuée de couteaux.

 

A l’épaule gauche

Vient de l’atteindre le long poignard dur et pur qui se nomme fidélité.

 

A peine en dessous du cœur

La blesse une larme étrange

La fine aiguille de la tendresse.

 

Et sur sa bouche une lame se plante

Aigue et brève comme un baiser

Sur le manche j’avais gravé son nom.

 

Vibrant encore de tout leur élan arrêté

Autour de son sourire dans ces feuillages d’acier

Toutes les armes du langage foisonnent en auréole.

 

C’est elle que je porte dans mes bras

Comme un sauvage

Dans mes bras et tantôt sur le cœur et tantôt sur l’épaule.

 

Il fait grand vent autour de moi

Je puis glisser elle ne touchera pas terre

Je la tiens plus haut que moi-même

Sa tête est dans mes yeux le bonheur est plus bas.

 

Revue « Bifur, N° 4 »

Editions du Carrefour, 1929

Du même auteur : Si rien n‘est vain (15/10/2015)

 

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