Michel-Ange / Michelangelo Buonarotti (1475 – 1564) : « A travailler tordu… »/ « I’ ho già fatto un gozzo… »
A travailler tordu j’ai attrapé un goitre
Comme l’eau en procure aux chats de Lombardie
(À moins que ce ne soit de quelque autre pays)
Et j’ai le ventre, à force, collé au menton.
Ma barbe pointe vers le ciel, je sens ma nuque
Sur mon dos, j’ai une poitrine de harpie,
Et la peinture qui dégouline sans cesse
Sur mon visage en fait un riche pavement.
Mes lombes sont allées se fourrer dans ma panse,
Faisant par contrepoids de mon cul une croupe
Chevaline et je déambule à l’aveuglette.
J’ai par devant l’écorce qui va s’allongeant
Alors que par derrière elle se ratatine
Et je suis recourbé comme un arc de Syrie.
Enfin les jugements que porte mon esprit
Me viennent fallacieux et gauchis : quand on use
D’une sarbacane tordue, on tire mal.
Cette charogne de peinture,
Défends-la, Giovanni, et défends mon honneur :
Suis-je en bonne posture ici et suis-je peintre ?
Traduit de l’italien par Pierre Leyris
1n « Michel-Ange, poèmes », Editions Mazarine, 1984
Du même auteur :
« Avec ce coeur de soufre… » / « Al cor di zolfo… » (14/01/2017)
« Quelle mordante lime… » / « Per qual mordace lima… » (14/01/2018)
« Tout ce qui naît ... » / « Chiunche nasce... » (14/01/2018)
I’ ho già fatto un gozzo in questo stento,
Come fa l’acqua a’ gatti in Lombardia
O ver d’altro paese che si sia,
C’a forza ’l ventro appiccasotto ’l mento.
La barba al cielo, e la memoria sento
In sullo scrigno, e ’l petto fo d’arpia,
E ’l pennel sopra ’l viso tuttavia
Mel fa, gocciando, un ricco pavimento.
E’ lombi entrati mi son nella peccia,
E fo del cul per contrapeso groppa,
E’ passi senza gli occhi muovo invano.
Dinanzi mi s’allunga la corteccia,
E per piegarsi adietro si ragroppa,
E tendomi com’arco sorïano.
Però fallace e strano
Surge il iudizio che la mente porta,
Ché mal si tra’ per cerbottana torta.
La mia pittura morta
Difendi orma’, Giovanni, e ’l mio onore,
Non sendo in loco bon, né io pittore.
Poème précédent en Italien :
Giacomo Leopardi : Le coucher de la lune / Il tramonto della luna (20/12/2005)
Poème suivant en italien :
Eugenio Montale: « A midi faire halte …/ « Merrigiare pallido… » (10/05/2016)