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Le bar à poèmes
21 juillet 2015

José Manuel Caballero Bonald (1926 - 2021) : Verset de la genèse / Versículos del génesis

jose-manuel-caballero-bonald[1]

 

Versets de la genèse

 

Par les fenêtres, par les trous

de serrure et les racines,

par les orifices et les fentes,

par les dessous de porte,

la nuit entre.

 

La nuit entre comme un crime

dans les brisants de la vie,

elle parcourt salles d’hôpitaux,

chambres de bordel,

églises, alcôves, cellules, cahutes,

et aux commissures des lèvres

la nuit entre aussi.

 

La nuit entre comme une masse

de mer vide et de caverne,

elle se répand sur les bords

de l’alcool et de l’insomnie,

elle mord les mains du malade

et le cœur des mendiants,

et dans la blancheur des pages

la nuit entre aussi.

 

La nuit entre comme un vertige

dans la ville prise au dépourvu,

elle monte  les escaliers et les côtes,

elle rampe derrière les lâches,

aveugle la chaux et les couteaux,

et dans les fracas des paroles

la nuit entre aussi.

 

La nuit entre comme un cri

dans le silence des murs,

elle propage frayeurs et veilles,

elle vibre au profond des pierres,

laissant l’avalanche de son épaisseur

entre les corps qui s’aiment,

et sur le papier griffonné

la nuit entre aussi

 

Traduit de l’espagnol par Claude de Frayssinet

In, « Poésie espagnole. Anthologie 1945 – 1990 »

Actes Sud / Editions Unesco, 1995

 

Du même auteur :

Ma prophétie, c'est ma mémoire / Mi propia profecía es mi memoria (10/07/2015)

Un livre, un verre, rien / Un libro, un vaso, nada (10/07/2017)

Tandis que j’ajuste mon âge au temps (10/07/2018) 

Pas aujourd’hui / Hoy no (10/07/2019)

Cinématographe (10/07/2020) 

Transfiguration de la perte / Transfiguración de lo perdido (09/07/2022)

Anamorphose / Anamorfosis 10/07/2023)

 

Versículos del génesis

 

Por las ventanas, por los ojos

de cerraduras y raíces,

por orificios y rendijas

y por debajo de las puertas,

entra la noche.

Entra la noche como un trueno

por los rompientes de la vida,

recorre salas de hospitales,

habitaciones de prostíbulos,

templos, alcobas, celdas, chozos,

y en los rincones de la boca

entra también la noche.

Entra la noche como un bulto

de mar vacío y de caverna,

se va esparciendo por los bordes

del alcohol y del insomnio,

lame las manos del enfermo

y el corazón de los cautivos, 

y en la blancura de las páginas 

entra también la noche.

 

Entra la noche como un vértigo

por la ciudad desprevenida,

rasga las sábanas más tristes,

repta detrás de los cobardes,

ciega la cal y los cuchillos

y en el fragor de las palabras

entra también la noche.

Entra la noche como un grito

por el silencio de los muros,

propaga espantos y vigilias,

late en lo hondo de las piedras,

abre los últimos boquetes

entre los cuerpos que se aman,

y en el papel emborronado

entra también la noche.

 

 

Las adivinaciones,

Ediciones Rialp (Adonais), Madrid, 1952 

Poème précédent en espagnol : 

Pablo García Baena : Seul ton amour et l’eau…/ Sólo tu amor y el agua...  (27/04/2015)

Poème suivant en espagnol :

Luis Mizón  : L’arbre  / El árbol (05/08/2015)

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