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Le bar à poèmes
23 juin 2014

Johann Wolfgang von Goethe (1749 - 1832) : Le roi des aulnes / Erlkönig

 

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Le roi des aulnes

 

Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?

C'est le père avec son enfant.

Il serre le jeune garçon dans ses bras,

Il le tient au chaud, il le protège.

 

 

« — Mon fils, pourquoi caches-tu peureusement ton visage  ?

— Père, ne vois-tu pas le roi des Aulnes,

Le roi des Aulnes, avec sa couronne et sa traine ?

— Mon fils, c'est une trainée de brume.

 

 

— Cher enfant, viens, partons ensemble !

Je jouerai tant de  jolis jeux avec toi !

Tant de fleurs émaillent  le rivage !

Ma mère a de beaux vêtements d'or.

 

 

— Mon père, mon père, mais n'entends-tu  pas

Ce que le roi des Aulnes me promet tout bas ?

— Du calme, rassure-toi, mon enfant :

C'est le bruit du vent dans les feuilles sèches.

 

 

— Veux-tu, fin jeune garçon, venir avec moi?

Mes filles s'occuperont de toi gentiment.

Ce sont elles qui  mènent la ronde nocturne.

Elles te berceront par leurs danses et leurs chants.

 

 

— Mon père, mon père, ne vois-tu pas là-bas

Danser dans l'ombre les filles du roi des aulnes  ?

— Mon fils, mon fils, je le vois bien en effet,

Ces ombres grises ce sont les vieux saules.

 

 

— Je t'aime, ton beau corps me tente,

Si tu n'est pas consentant, je te fais violence.

—Père, Père, voilà qu'il me prend !

Le Roi des Aulnes m'a fait mal ! »

 

 

Le père frissonne, il presse son cheval,

Il serre sur sa poitrine l'enfant qui gémit.

A grand-peine, il arrive à la ferme

Dans ses bras l'enfant  était mort.

 

1782

 

Traduit de l'allemand par Michel Tournier

 

Le roi des aulnes

 

Quel est ce cavalier si tard dans la nuit et le vent ?

C'est le père avec son enfant ;

Il tient le jeune garçon dans son bras,

Il le serre bien, il le tient chaud. 

« Pourquoi, mon fils, cacher si peureusement ton visage ?

— Père, ne vois-tu pas le Roi des aulnes ?

Le Roi des aulnes avec sa traine et sa couronne ?

— Mon fils, c'est un banc de brouillard.

 

— Cher enfant, viens donc avec moi !

Je jouerai à de très beaux jeux avec toi

Il y a sur la rive plein de fleurs de toutes les couleurs ;

Et ma mère a beaucoup de vêtements dorés.

 

— Mon père, mon père, quoi ? tu n'entends donc pas

Ce que le roi des Aulnes me promet à voix basse ?

— Du calme, du calme, sois tranquille, mon enfant !

C'est le vent qui murmure dans les feuillages secs.

 

— Veux-tu, joli garçon, t’en venir avec moi ?

Mes filles s'occuperont de toi bien comme il faut ;

Mes filles mèneront toute nuit la ronde,

Elles vont te bercer, danser, chanter et t’endormir.

 

— Mon père, mon père, ne vois-tu donc là-bas

Les filles du Roi des aulnes dans cet endroit lugubre ?

— Mon fils, mon fils, je vois distinctement :

Ce sont les vieux saules qui nous semblent si gris.

 

— Je t'aime, et ta beauté me charme et me ravit ;

Et si tu ne veux pas, je te prendrais de force.

— Mon père, mon père, maintenant il m’attrape !

Le Roi des aulnes m'a fait du mal ! » 

 

L’effroi saisit le père, il galope très vite,

Il tient dans ses deux bras l'enfant tout gémissant,

Il arrive à grand-peine au port ;

Dans ses bras l'enfant était mort.

 

Traduit de l’allemand par Jean-Pierre Lefebvre

in, « Anthologie bilingue de la poésie allemande »

Editions Gallimard (La Pléiade), 1995

 

Le Roi des Aulnes

Qui chevauche si tard dans la nuit et le vent ?

C’est un père avec son enfant.

Il a le garçon bien en main,

Le serre fermement, bien au chaud le maintient.

 

Mon fils, que penches-tu le front avec effroi ?

— Père, tu ne vois pas le roi des Aulnes, toi ?

Le roi des Aulnes avec sa couronne et sa robe ?

— Mon fils, c’est un reste de brouillard qui rôde.

 

— Viens, bel enfant, pars avec moi !

À des jeux bien jolis je jouerai avec toi ;

Notre plage est cousue de fleurs multicolores,

Ma mère a des tas d’habits d’or. »

 

Mon père, mon père, et n’entends-tu pas,

Les promesses que le Roi des Aulnes me fait tout bas ?

— Sois calme, reste calme, mon enfant ;

Ce n’est, dans les feuilles sèches, que le frisson du vent.

 

—Veux-tu, joli garçon, t’en aller avec moi ?

Mes filles sans tarder s’occuperont de toi ;

Mes filles qui conduisent la ronde de la nuit

T’ouvriront leurs berceuses, leurs danses, leurs mélodies.

 

Mon père, mon père, et ne vois-tu donc point

Les filles du Roi des Aulnes dans ce sombre recoin ?

— Mon fils, mon fils, je le vois bien aussi :

Ce sont les vieux saules qui semblent si gris.

 

— Je t’aime, je suis charmé par ta prestance ;

Si tu ne consens pas, j’userai de violence.

« Mon père, mon père, il vient de me toucher !

Le roi des aulnes m’a blessé ! –

 

Le père frémit, chevauche plus vivement,

Il tient dans ses bras l’enfant gémissant,

Avec peine et alarmes il arrive à bon port ;

L’enfant dans ses bras était mort.

 

 

Traduit de l’allemand par Guillaume Métayer

In, revue « Po&sie, » (Poèmes inédits, supplément en ligne)

Belin éditeur

Du même auteur : 

Bienvenue et adieu / Willkommen und Abschied (23/06/2015)

La chanson de Mignon / Mignons lied (22/06/2016)

Chant de tempête du voyageur / Wanderers Sturmlied (22/06/2017)

Un autre pareil / Ein Gleiches (23/06/2018)

 Présence de l'Aimé / Nähe des Geliebten (23/06/2019)

Navigation / Seefahrt (23/06/2020)

Rose sauvage / Heidenröslein (23/06/2021)

Chant de Mahomet / Mahomets-Gesang (23/06/2022)

Prométhée / Prometheus (23/06/2023)

Erlkönig

 

Wer reitet so spät durch Nacht und Wind? 

Es ist der Vater mit seinem Kind; 

er hat den Knaben wohl in dem Arm, 

er fasst ihn sicher, er hält ihn warm.

 

Mein Sohn, was birgst du so bang dein Gesicht? - 

Siehst Vater, du den Erlkönig nicht? 

Den Erlkönig mit Kron' und Schweif? - 

Mein Sohn, es ist ein Nebelstreif.

 

"Du liebes Kind, komm, geh mit mir! 

Gar schöne Spiele spiel' ich mit dir; 

manch bunte Blumen sind an dem Strand, 

meine Mutter hat manch gülden Gewand."

 

Mein Vater, mein Vater, und hörest du nicht, 

was Erlenkönig mir leise verspricht? - 

Sei ruhig, bleibe ruhig, mein Kind: 

In dürren Blättern säuselt der Wind.

 

"Willst, feiner Knabe, du mit mir gehn? 

Meine Töchter sollen dich warten schön; 

meine Töchter führen den nächtlichen Reihn, 

und wiegen und tanzen und singen dich ein."

 

Mein Vater, mein Vater und siehst du nicht dort 

Erlkönigs Töchter am düstern Ort? - 

Mein Sohn, mein Sohn, ich seh' es genau: 

Es scheinen die alten Weiden so grau.

 

 

"Ich liebe dich, mich reizt deine schöne Gestalt; 

und bist du nicht willig, so brauch ich Gewalt." 

Mein Vater, mein Vater, jetzt fasst er mich an! 

Erlkönig hat mir ein Leids getan! -

 

Dem Vater grauset's, er reitet geschwind, 

er hält in den Armen das ächzende Kind, 

erreicht den Hof mit Mühe und Not; 

in seinen Armen das Kind war tot.

 

1782

Poème précédent en allemand : 

Peter Huchel : Exil (16/04/2015)  

Poème suivant en allemand :

Rainer – Maria Rilke  : Naissance de Vénus / Geburt der Venus (23/11/2014)

 

 

Commentaires
B
j'ai toujours beaucoup aimé ce poème, regrettant de ne pouvoir en savourer les subtilités dans la langue de Goethe. La traduction de Tournier rajoute à l'hermétisme, en particulier ce vers : " Veux, fin jeune garçon, tu venir avec moi"? : ce qui paraît en français maladresse frappe encore davantage l'esprit. Et avec, en écho, le roman magnifique du même Tournier, le Roi des Aulnes.
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