Christine de Pisan (1361 – 1430 ?) : « Quoique je ne sois aimé... » / « Quoy que je ne soye amez... »
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Christine de Pizan présentant son "Livre des III vertus" à Marguerite de Bourgogne, duchesse de Guienne,, BnF (XVe)
7 L’amant
Quoique je ne sois aimé
Et que je vous trouve si rétive,
Mon cœur vous est tellement attaché
Que je serai toujours vôtre,
Que ce soit sens ou folie,
Ma belle maîtresse.
Je prendrai dans cette servitude
Vie ou mort, joie ou détresse.
Amour ne doit pas être blâmé
Si je lui ai fait hommage,
Ni moi tenu pour fou ou critiqué
Car ce m’est grand avantage
D’être sous une si douce autorité
Où je trouve le droit chemin de tous biens.
Vous me donnez en partage
Vie ou mort, joie ou détresse.
Bien que vous soyez farouche,
J’ai encore l’espoir de recevoir
De vous le nom d’ami
Et que vos yeux et votre visage
Je baiserai, belle et sage.
Dieu fasse que j’y parvienne bientôt
Car j’ai sous votre domination
Vie ou mort, joie ou détresse.
Princesse, où mon cœur est en gage
Et qui dirige mes actions,
Qu’aurai-je pour héritage,
Vie ou mort, joie ou détresse ?
Traduit de l’ancien français par Jacqueline Cerquiglini-Toulet
In, Christine de Pizan : « Cent ballades d’amant et de dame »
Editions Gallimard (Poésie), 2019
De la même autrice :
La fille qui n’a point d’ami (03/12/2015)
« Seulette suis… » (03/12/2016)
Je ne sais comment je dure (03/12/2017)
« Apprenez-moi, doux ami... » (16/03/2019)
Je ne peux plus vous cacher... » / « Plus ne vous puis celer ... » (09/10/2023)
« Me refuser suffit... » / « A vous est du reffuser... » (09/10/2024)
L’amant VII
Quoy que je ne soye amez
Et que tant vous treuve ombrage,
Mon cuer tellement fermez
Est en vous que tout mon aage
Vostre, soit sens ou folage,
Seray, ma belle maistresse.
Je prendrai en ce servage
Vie ou mort, joye ou destresce.
N’en doit estre Amour blamez
Si je lui ay fait hommage,
Ne moy fol ne diffamez,
Car ce m’est grant avantage
D’estre en si doulz seignourage
Ou de tous biens prens l’adresce.
Si me donnez pour partage
Vie ou mort, joye ou destresce.
Mais j’espoir qu’encore clamez,
Quoy qu’adés soyez sauvage,
Seray de vous et nommez
Amy, et que yeulx et visage
Vous beseray, belle et sage ;
Dieu doint que tost y adresce
Car j’ay soubz vo bailliaige
Vie ou mort, joye ou destresce.
Princesse, ou mon cuer en gaige
Est, et qui mes fais radresce,
Qu’aray je pour heritaige,
Vie ou mort, joye ou destresce.