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Le bar à poèmes
9 octobre 2024

Christine de Pisan (1361 – 1430 ?) : « Me refuser suffit... » / « A vous est du reffuser... »

 

3  L’amant

 

Me refuser suffit

Et vous montrer cruelle,

Mais non pas de m’éloigner

De l’amour, ma chère dame

Que je vous ai juré sans fin

Et qui m’est si précieux

Car c’est à la mort, à la vie,

 

Je consens à y passer

Mes jours douloureux, quelque visage

Que vous m’offriez, je vous le dis

Sans tricher, Je mourrais plutôt

Que d’abandonner :

Cet amour ne pourrait m’être ravi

Car c’est à la mort, à la vie.

 

Et si en vain j’y perds mon temps,

Et que, malgré les regards, la manière

Et les bontés dont je puisse user,

Je n’obtienne rien de vous

Qui me donnez la mort,

De m’en retirer, je n’ai envie,

Car c’est à la mort, à la vie.

 

Prince, est-ce juste que l’on me frappe

A mort, pour mon amour sans faille ?

Il faut que j’en meure

Car c’est à la mort, à la vie.

 

Traduit de l’ancien français par Jacqueline Cerquiglini-Toulet

In, Christine de Pizan : « Cent ballades d’amant et de dame »

Editions Gallimard (Poésie), 2019

De la même autrice :

La fille qui n’a point d’ami (03/12/2015) 

« Seulette suis… » (03/12/2016)

Je ne sais comment je dure (03/12/2017)

« Apprenez-moi, doux ami... » (16/03/2019)

Je ne peux plus vous cacher... » / « Plus ne vous puis celer ... » (09/10/2023)

 

L’amant  III

 

A vous est du reffuser

Assez, er de m’estre fière,

Mais non pas de me ruser

De l’amour, ma dame chiere

Qu’ai à vous, tout me soit chiere,

Sans ja departir, pleuye,

Car c’est a mort et a vie.

 

Et m’agree d’y user

Mes dolens jours, quelque chiere

Que me faciez, sans ruser

Le vous dy : plus tost en biere

 

Seroie qu’en fusse arriere

N’estre n’en pourroit ravie,

Car c’est a mort et a vie.

 

Et c’est en vain y puis muser

Et que d’œil ne de manière

Ne de bien dont puisse user

Chose n’aye que je quiere

De vous, par qui fault qu’acquiere

Mort, n’ay d’en retraire envie

Car c’est a mort et a vie.

 

Prince, est ce droit qu’on me fiere

A mort pour amour entière

Porter ? Fault que j’en devie,

Car c’est a mort et a vie.

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