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Le bar à poèmes
7 mars 2025

Pierre Morhange (1901 – 1972) : Au café

 

 

Au café

 

A Joseph Roth In Memoriam

 

J’ai vu Joseph Roth (*) au café


Il buvait un whisky puis une oxygènée


L’oxygénée ? Quel est donc ce breuvage ?


On devient courageux, dit-il, après l’avoir bu


Il passe son verre que le garçon venait de préparer


A Michel Matveev qui en but une modeste gorgée


Puis il me passa son verre


Pour que je goûte paternel pour me faire plaisir


Et pour me prêter une fois avec quoi il se tue


Pour moi ce fut un goût frais glacé net un peu âpre


Pour lui le long poison le chemin


Il venait de me présenter son breuvage


Oh ! non pas de me faire entrer dans sa terrible chambre


Mais de me montrer la panoplie de sa mort


Et de la caresser devant moi sans forfanterie


En homme fidèle à la mort et qui chaque jour la prépare


Par une sorte d’honnête et propre coquetterie


Le finale est là il ne reste plus à un homme que ia coquetterie


Et la liberté un stoïcisme triste et sans sursaut


Une parfaite profondeur grave et surhumaine


Surhumaine par le calme et surhumaine par le pacte mortel


Le corps de Roth le foie de Roth son cœur


Se serrent et se sont rangés autrement


Autour du ruisseau d’alcool qui le traverse


Et le ronge. C’est un homme petit


Mince un officier d’élégance profonde


Et dont chaque fibre visible et invisible est fine 


Plus fine plus fine encore affinée par la vent


De visages et de lumières caressant son visage


Chez lui est fixée sa moustache


Pâle blonde à petits poils usés


Comme celle d’un masque de carton chez lui sont fixées de modestes rides


Chez lui est fixée une flamme-


Une courte et large incandescente

 

Plus large que son corps flamme de plaine


Qui brûle surtout ici à ce corps

 

Mais quand je l’ai quitté


Avec mes amis avec ma femme


Avec un peu de bonheur forcément


J’ai vu l’intérieur de ses yeux bleus


La détresse autrichienne


La détresse la détresse humaine


Qui me demandait pardon


Qui me demandait de rester là.

 

                                                         Novembre 1937

 

*Joseph Roth, écrivain autrichien, s’exila à Paris après l’invasion de l’Autriche par les nazis.

 

 

Le Blessé


Au Colporteur, 09200, Saint-Girons, 1951

 

 

Du même auteur : 


Le Dimanche (08/02/2016)


Paris (08/02/2017)
 

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