Heather Dohollau (1925 - 2013) : Octobre Toscan
Octobre toscan
SOIR A VOLTERRA
Des figurants de Friedrich qui attendent
En silence sur un mur au crépuscule
Touchant par vol immobile au mystère
Une marée d’or aux interstices du monde
Ici où la nuit monte de la terre
Où loin en bas un serpent d’argent fuit
Là où les montagnes dans leurs plis extrêmes
Tombent sur d’autres versants au-delà de l’ombre
LE BALZE
Une fâcherie de jeunes devant une scène
De chute extrême et sans finalité
Tombée du soir ici où tout tombe
Et nous de même les quelques arbres
Se penchant hors du gouffre épargnent leur souffle
Seulement nos yeux les gardent nos cœurs mesurent
Une courbe de flèche le vol retient le nid
Toujours au bord la balance porte
En contre-poids de tout une fleur de rien
Fiction suprême tenant en gage le temps
L’APPARITA
Une apparition voir pour ne pas voir
La scène d’herbe rase ascèse de lames
Et de larmes du rouge et du vert
Des spectres en plein jour
Faites-leur de la place !
« Temps perdu hors de l’amour » ?
Mais ici c’est le palais de ce temps
Le lieu des vents l’aigu de tout parfum
La colline simple des signes
Une geste de l’air
LES BAINS DE MORBO
Un lieu rouge et gai dans ce lieu morne
Par un court après-midi d’octobre
Des bains de Morbo de Laurent et sa mère
D’il y a cinq siècles ne restent que l’eau
Des fontaines les lignes tremblées d’un jardin
Mais le lion rit et les feuilles tombées des arbres
Ont mémoire de longs jours au goût de souffre
Ramassés ardents dans les plis du soir
Enfin la tour !
La mienne en rêve
Ou celle de Yeats
Au bout du voyage
Ici elle termine tout
Parmi les pentes des toits
Les fentes des chemins
Les plantes suspendent
Leurs prévisions précaires
Aux clous de l’air
La terre tourne et tombe
Mais la flamme est haute
Se tenant à sa place
En haut du jour
CETINALE
Suspendu sur la colline comme un glaive
Le purgatoire domine le paradis
Le raptus d’une montée par les arbres
Quoique pas à pas et dans une gaine de souffle
Sépare en deux le jour dédouble les heures
Retourne le regard et détache pour l’œil
Le paysage d’une promesse dans un temps
De mémoire présente ou de futur proche
De l’autre côté d’une barrière du même
Le paradis est ce qui se trouve là
Mais l’on doit tromper l’image dans la fleur
La maison borde ses pierres l’herbe est de grâce
Les fleurs de salvia brûlent vers le haut
Du mur du presbytère au jardin clair
Poussant la porte de l’église c’est le noir
L’aile éphémère de l’ombre mais le jour revient
Les piliers se dégagent le toit remonte
Le silence creuse en avant las pas mènent
Au croisement de la nef et là s’arrêtent
Une présence y fait face le cœur se pose
La terre âgée.
Editions Folle Avoine,35023Bédée 1996
De la même autrice :
Matière de lumière les murs (20/01/2014)
« Si pour vivre il suffit de toucher la terre… » (20/01/2015)
La terre âgée (20/01/2016)
L’après-midi à Bréhat (20/01/2017)
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