Evelyne Trouillot (1954 -) : Sans parapluie de retour
Sans parapluie de retour
(Extraits)
Plus rien ne demeure
si ce n’est ton haleine
aux alentours de mon rire
J’ai habillé la nuit
de choses tendres
mais qui peut effacer
le profil calciné
des clairs de lune ?
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J’ai posé mes rêves sur la pointe du lit
pour que ne tremble point
la poussière de nos yeux
Pays de boues incandescentes
et de pétales en croix
Amour d’écumes de déraison
apprends- moi à marcher à petits pas
car la pluie s’impatiente
et les fleurs se rebellent
Pays de soleils irréels
le ciel attend
ton signal pour arrimer les étoiles
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Villes d’anses et de fleurs
un enfant du pays
sur la route
couché
cœur en l’air
soleil éclaboussé
côté malheur
Villes éphémérides
un petit prénom
brutal
de griffes et d’entrailles
s’est endormi
sous les dalles
les poings fermés
Qui portera le deuil ?
A ma fenêtre
un oiseau à tire-d’aile
J’ai mal aux cheveux gris
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Entre mots et néant
l’encre trébuche
devant l’angoisse de naître
Comment garder
le poids de ta main
au chaud dans cette blessure
exclusivement mienne ?
Amour des espaces interdits
rejoins-moi
en marge de ce qui fut
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Au bout du regard
ma tendresse décrochée
au mal-être de la terre
son ombre sous mes pieds
mes reniements
mes envies de fuite
et mes deux bras ouverts
Tant de trous dans le ciel
de haines et de chimères
Face aux espaces
régulateurs
des consciences et des rues
Sursaute en moi
nid précaire bec ouvert
un petit oiseau téméraire
Qui ose encore aimer ce pays
et le dire ?
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Il me vient parfois la pudeur
de la mer
devant le sable
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Soleil sanglant
d’aubes défaites
de l’enfance à la mer
des montagnes au grand port
A jamais m’éclater en toi
des collines aux chaussées
de la peur
au bleu immense de ton ciel
désarroi des yeux ballants
Sans parapluie de retour
Port-au -Prince, 2001