Franck Gourdien (19 ? -) : là où l’ombre mûrit (l’inachevable)
Crédits : M115A / Le Télégramme
Là où l’ombre mûrit (l’inachevable)
Vois dans l’ombre
la lumière
à l’ombre la lumière pense
à l’ombre où peut-être se mûrit
un secret.
Là où se mûrirait encore une fois
ce dont la lettre ne porte trace
ou bien de glace l’écho
de l’immatériel - quelle lettre ?
écho ou bien cendre d’un Oui interminable
cendre ou bien la clé soluble, cette lettre qui nous survit
la clé soluble d’un Oui hors de portée
de jadis à demain
nous aura dépassés.
De ce don qu’en demeure-t-il
en son nom oublié ?
Présent qui n’en dit plus.
Distinct le mot coupé fétu du vaste incendie
scorie de l’incendie merveille
lorsque les noms du secret qui ne cessera de mûrir
de se succéder n’auront cessé, cesseront...
Tu vois, écoute
le sans-nom, l’innommé
qu’une fois à peine si mal nommé s’enfuit
s’en retourne
la force sourde du secret.
Ecoute la profondeur de l’air
douce où s’éploie la gravité
l’ombre écoute.
Ce que la rumeur lointaine est à l’ouïe
l’ombre l’est à vue
là où le silence se pense...
Ce qui se couche, s’étend
- de la nuit ce morceau, cette flamme pénombre –
là où la lumière se pense
à l’ombre de sa venue.
Empoigneras-tu l’ombre ?
Attoucheras-tu la lumière ?
Avant le trait, l’ombre à tes pieds dessinait
à portée des mains qui tremblaient – les profils
depuis le regard des grottes sur le paysage
elles ne s’ouvraient déjà
l’ombre vient lentement pousser
pousser de la roche la saillie, mûrir
mûrir, le fruit de la nuit
pousser le jour à la vitesse d’un géant olivier
- cyclopéen.
Ecoute, une saison du regard
longues sont l’ombre la patience à son aune
... pourtant, pourtant...
regarde, s’étirer ce grondement
si lointaine ligne déjà cendre blanche dans le vernis d’azur
- pourtant.
Pourtant ce qui échappe et, durant, boucle...
qui ce malade peut-être d’une maladie sans nom
comme c’était simple pourtant
entends-tu du ciel ce craquement
et cette roue derrière ? écoute
derrière le mur de pierres
sur le gravier s’estompe
ou bien quelle que soit la senteur
nous amarre à son ancre
l’étendue – à l’arrêt retient plonge
sans préméditation
Présent qui n’en dirait guère plus... ?
Pourtant.
Présent ce nom l’est-il ? ... y habite ?
bien nommé si l’on dit, bienvenu... ?
or la nature morte nommée ?
regarde son nom
aussi mal que l’inépuisable force traquée
du secret à son inachevable pensée.
A l’ombre où la lumière se pense
devance ou la lumière à l’ombre
hors mesure : l’Incommensurable cette fois nommé.
Songe à cette langue inconnue
dont fuient les noms encore
nous habitent-ils oubliés
rêve logos où se nomme
lumière décliné au nom de la couleur
ce prisme découvert à la déclinaison des noms...
depuis l’autre habitat, de l’habitat des noms.
Alors neuves nos maisons où l’orpheline lumière
sans recoin où clair-obscur perdu
- depuis lors l’Incommensurable
secret –
la lumière sur le plan est piégée.
- Où l’enfance se cachera-t-elle ?
sans profondeur ni pénombre...
Sur la façade déserte, là où l’ombre fut plantée
sans corne ni palme – sans offrande
l’ombre fut clouée
telle au centre d’une lune postiche
et prisonnière de son stylet
au nœud des nombres
sans fuite l’ombre tournoie
boucle après boucle d’un disque nu.
Depuis obnubilés toupillons-nous à son aune.
la maladie, tu sais – N’époque !
Cherchons-nous ?
du jour à la nuit
nul but ni projet
mais une finalité – à l’aune ?
- à l’aune exacte de la mort
qui cependant se voudrait écartée, n’être pas
pourtant cette senteur nous amarre...
le laps d’un cri - pourtant
c’était si simple mais
je l’ai dit, le secret oublié
suit de si près son nom.
Qui rêve encore que sa pensée - la maladie ?
s’unisse au nom du Temps.
In, Revue « La barque dans l’arbre, N°3, Automne-Hiver 2019-2020 »
Editions La Barque, 2019