Atahualpa Yupanqui (1908 – 1992) : Poème de la mère Koya / Poema de la madre Kolla
(Notimérica)
Poème de la mère Koya
Nous arrivons de loin et nous avons peiné, Seigneur.
Nous arrivons de loin, nous avons longé la rivière
qui coule entre les pierres
sur un air de chanson.
Nous, les Koyas (1), ressemblons aux collines :
le dehors est couleur
et un monde tout plein de chant et de silences
habite notre coeur !
Mes mains n’en finissent pas de moudre le maïs
et mes yeux sans répit surveillent le sentier
où mes « huahuas » s’en vont jouer.
Je suis la mère Koya de tous les temps.
Indienne, oui Seigneur !
Moitié de pierre et d’ombre,
moitié pierre et soleil...
Et mes peine toujours vieilles, vieilles... comme la rivière.
Et encore et toujours mes rêves indiens.
Et ma vie toujours la même, toujours :
Hiver est de neiges, Eté est de rivières,
et la neige elle aussi se met à voyager !
Et que viennent les sables avec leurs tourbillons,
Et que viennent les neiges et la grêle menue ;
Que viennent les gelées détruisant les récoltes
dans le champ de maïs.
Que viennent les soleils brûlants et rigoureux.
Que les rivières soudain
se changent en bourbiers
et les rêves en douleur...
Qu’importe tout cela !
Je suis Koya, Seigneur... !
La douleur la plus forte ne tue pas dans mes veines
le sang du Soleil.
Et parfois il me semble que nous sommes, nous tous,
des morceaux d’une colline
qui s’est mise à marcher...
Cela n’est pas pour rien que nous, les koyas, sommes si près de l’Eternité !
Nous arrivons de loin...
Et nous avons peiné, Seigneur.
Nous, les Koyas, ressemblons aux collines :
le dehors est couleur
et un monde tout plein de chant et de silences
habite notre coeur !
(1) Peuple amérindien présent, entre autres, au nord-ouest de l’Argentine.
Traduit de l’espagnol par Sarah Leibovici
in, Atahualpa Yupanqui : « Airs indiens »
Pierre Jean Oswald Editeur, 14600 Honfleur
Poema de la madre Kolla
Venimos de lejos, guapeando caminos, Señor.
Venimos de lejos, siguiéndolo el rrio
que corre entre piegras
con tono cantor.
Nosotros los kollas, somos como el cerro :
por juera… color…
¡Y un mundo llenito de canto y silencios
en el corazón !
Dale con mis manos, chancádolo al maíz.
Dale con mis ojos, mirando la senda
ande mis huahuitas salen a jugar
Soy la madre kolla de todos los tiempos.
¡ Soy runa, Señor !
Mitar, piegra y sombra,
Mitar, piegra y sol…
Dale con mis penas, viejas… como el río.
Dale con las cosas de mis sueños indios.
Y paso la vida, siempre igual… igual :
Invierno, es de nieves; verano, es de ríos,
¡ Que es mesmo la nieve que dentra a viajar!
Vengan las arenas con sus remolinos;
vengan las nevadas con su garrotillo;
vengan las heladas malogrando siembras
allá en el chacral.
Vengan soles juertes, llenos de rigor.
Que se hagan de golpe
los rios, barriales ;
los sueños, dolor...
¡ No le hace ! ¡ No le hace !
¡ Soy kolla, Señor… !
Y el dolor más grande no mata en mis venas
la sangre del Sol.
Si a veces, se me hace que toditos somos
pedazos de un cerro
que se ha echao a andar...
¡ Por algo los kollas, cerquitita estamos
de la Eternidad!
Venimos de lejos…
Guapeando caminos, Señor.
Nosotros los kollas somos como el cerro :
por juera… color.
Y un mundo llenito de canto y silencios
en el corazón !
Poème précédent en espagnol :
José Ángel Valente : Matière / Materia (28/02/2024)
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José Carlos Becerra : Le miroir de pierre / El espejo de piedra (21/05/2024)