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Le bar à poèmes
17 novembre 2023

Joyce Mansour (1928 – 1986) : L’empire du serpent

Translating-Desire_feature[1]

 

L’empire du serpent

 

Dormir sans fermer l’œil sous la voûte immodeste

Ecouter le vent hurler ses entrailles

Retrouver sa jeunesse là où rien ne vit

Mettre sa clef dans la serrure d’un cercueil habité

Par l’image de la mort en route vers la poussière

Attendre la nuit à l’abri des intempéries

Passer de son vivant le pont vers l’autre rive

 

Tout est propre dans le désert

Le ciel le sable le scarabée

Qui pousse son désir devant lui comme un grand

Soleil noir

Tout est simple satanique

Telle la morsure du scorpion loin de tout secours utile

 

Le chaos appelle l’aigle et le vautour

Qui planent au couchant

Mirage d’une délivrance, dites-vous ? Non

Un point dans le cercle dans le carré et le triangle

Un renard pâle une idée nombre

Un volcan qui se vide

Comme un ventre à l’envers

Crachant sa haine beuglant sa bile

Sur l’horizon ourlé de Nazsca

 

Il y a pulsations passion plaintes et prière

Au coeur de ces rocs austères

Bornes qui ornent le désert armé

Le désert armé de son haleine granitique

Soufflant soufflant frénétiquement absent

Il harcèle la momie accroupie dans ses bandelettes

Il dépouille la dépouille de ses rêves impubères

Décapant le squelette ivre de solitude

Il claque des dents et

Les dunes s’effritent le sol perd ses écailles

Qui dit qu’une tombe est ouverte ou fermée ?

 

Des arbres fantômes flottent sur la houle immobile

Invisible dans ses racines pleurant leurs feuilles exsangues

Arbres sans terre ni volonté de rêverie

Arbres disparus depuis combien de lunes

Dans le velours avide

Du désert de la nuit

 

Vient le jour

Le feu cristal

Le ciel moutarde masure déserte

Le soleil tourne son aiguille

Vers la mort

 

Puissent ces bénédictions se répandre

 

Prose & poésie, œuvre complète

Editions Actes Sud, 13200 Arles

De la même autrice :

Bleu comme le désert (21/01/2014) 

Le téléphone sonne (21/01/2015)

Chant arabe (21/01/2016)

 Pericoloso sporgersi (21/01/2017)

Trous noirs (21/02/2018)

« Les vices des hommes... » (17/11/2019)

La cuirasse (17/11/2020)

Pour les 50 ans de Balthazar (17/11/2021)

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