Louis Guillaume (1907 - 1971) : « Vois la nuit du cheval... »
Vois la nuit du cheval qui court sur la forêt.
Les oiseaux sans frayeur transformés en étoiles
font refleurir leurs nids au sommet des montagnes.
Chaque rose est un galet d’or sous les torrents.
Tu pars, je t’accompagne et nous marchons sur l’eau.
Le fleuve est retourné vers la neige éternelle.
Dans les sapins, les yeux des biches nous caressent.
Entre l’arbre et le sol cette couche de rêve,
entre la branche et l’air ces pépites d’espace,
Le ciel est une ruche et nous goûtons son miel.
Nous cueillons le silence immense des rumeurs
et nous nous comprenons sans que passe à nos lèvres
le vent qui soulevait jadis notre poitrine.
C’est la nuit des bateaux qu’endormaient les feuillages.
Je me fais ta foulée, tu deviens ma poursuite.
Nous entendons le temps qui s’arrête au zénith
et le chant de l’absence au fond des coquillages
dont la mer est venue consteller nos prairies.
Vous ne reviendrez plus jamais, jours inutiles.
J’ai noué sur les bruits le bâillon de la terre.
Les bourgeons resteront fermés sur leur puissance.
Toutes les fleurs de nos désirs sont au-delà.
La mort n’a plus besoin de nous tendre ses fruits.
Nous buvons notre soif, nous courons immobiles.
Ecoute les futaies qui volent dans le soir
et ne me cherche plus puisque je suis ton ombre.
Noir comme la mer
Librairie Les Lettres, 1951
Du même auteur :
Le jour tout neuf (16/06/2014)
Incertitudes (16/07/2015)
L’Oiseau d’écume (22/03/2020
L’arbre des morts (22/03/2021)
"Feux couvés par la grotte..." (22/03/2022)
« Vois la nuit du cheval... » (25/04/2023)
Cris de sable 25/04/2024)