Louis Guillaume (1907 – 1971) : L’arbre des morts
L’arbre des morts
L’arbre des morts part pour la haute mer
ses feuilles sont poissons de métal souple
ses fruits bateaux qui ne reviendront pas.
Les gisants d’ombre attachés au rivage :
maisons, tombeaux, rochers , débarcadères
soufflent dans son branchage un vent de pierre.
Sa chevelure fend le phosphore et les algues
les étoiles filantes dérivent dans sa sève
parmi tous les feux de la terre.
Il est le grand fleuve de lave
le serpent d’or au sein des lames
il est l’éclair uni aux flots.
Le trident de l’orage creuse dans son aubier
des nœuds qui sont remous profonds.
Il se dirige vers la plus lointaine tour
vers le phare qui se confond
avec un astre encor couché
de l’autre côté de la nuit.
L’arbre funèbre atteint la pleine mer
il se croit seul quand mille autres l’entourent
offrant leur flambée obscure à la lune
De tous les ponts de l’horizon
déferle une immense forêt
où la plume plonge, où l’écaille vole
et ces rameaux sevrés d’air et de rêves
gonflés d’encre ainsi que des poulpes
trouvent l’oubli dans un matin de lait.
Alourdis de glace et de plomb
les évadés rallient le port
dont le soleil blanchit les cendres.
Une frondaison de nuages
plane au large des cimetières
et condense l’eau maternelle.
Poèmes choisis,
Editions Rougerie, 87330 Mortemart, 1977
Du même auteur :
Le jour tout neuf (16/06/2014)
Incertitudes (16/07/2015)
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"Feux couvés par la grotte..." (22/03/2022)
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