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Le bar à poèmes
14 octobre 2022

Pascal Commère (1951 -) : Campagne souffle perdu

 

bG9jYWw6Ly8vMDAvMDAvMDIvMzcvODIvMjAwMDAwMjM3ODI5MQ[1]© M. M. (30/11/2015)

 

 

Campagne souffle perdu

 

à Serge et Annie Wellens

 

 

Campagne souffle perdu, un matin, les murs gris.

Les bêtes cassées en deux pour se gratter, et qui se lèchent,

ou se tètent les bêtes – mamelles, roses jumelles.

Et les châtrons qui pissent froidement par le ventre.

Ô blessante lumière blessée - un lièvre, son poil rouge

comme une joie mouillée aux briquets des gratte-cul

qui monte et qui naîtrait. Les routes

qui aiguisent leurs lames dans les flaques et le soleil,

au ciel, comme un œuf au plat avec des glaires.

Muette grandeur, il a soufflé le vent. Un matin

le monde m’écrit. Village dans l’angle rouge

- timbre perdu. Visage dans la buée comme quelque chose,

longtemps dans la fumée, qui dit la terre est calme.

Ou quelqu’un et celles-là, ou d’autres, toujours les bêtes jaunes

et qui se touchent – les toutes pleines, les culardes,

et le taureau très lent qui fermait ses yeux sous les mouches.

Mais le monde est-ce autre chose et le taureau qui va

- chemin ailleurs qui recommence et les yeux des bêtes

quand une voix appelle – rumeur, écharde rouge –

mais qui s’éloignent déjà, les innocentes, les bourrues,

comme la voix se tait, ou presque. Les yeux,

farine jaune – quelque chose peut-être ou quelle présence

et, par terre, comme une bâche immense avec des trous

par où – bosses, paysage boursouflé, bouchures,

scories, petites chiures bleues, tabac – un matin

ou le soir, campagne monde très loin, toujours

comme posées les bêtes ou, lentement, quand l’herbe

de tait et le monde. Figures, papier brûlé

crinière ficelle rêche – les douces les sauvages

dans le paysage, saillantes, qui se cofondent.

Mouillante approche, ou moins encore – du bleu,

la joue d’un arbre en travers des vergers qui coupe,

ou c’est la pluie, sommelière, dans les collines qui avance.

 

In, « La Nouvelle Revue Française, Juillet-Août 1993, N° 486-487 »

Editions Gallimard, 1993

Du même auteur :

 Derrière les vitres (22/12/2014)

Silence dans la cuisine (14/10/2019)

lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir (14/10/2020)

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