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Le bar à poèmes
14 octobre 2020

Pascal Commère (1951 -) : lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir

commerecgeorgesmonti[1]

 

lointaine approche des troupeaux à vélo vers le soir

pour Vincent et Gwenaëlle

 

 

Les prés sont des linges le soir ou de la brume

les bêtes vous savez n’appuient pas elles avancent

elles sont comme vous fragiles pas plus vraies

une pluie les efface il faut des jours ensuite

pour qu’elles montent vers nous

les bêtes c’est cela jamais plus quelques traces

dont s’étonnent les yeux au long des routes noires

vous y croisez parfois une ombre est-ce la vôtre

ou celle d’un enfant occupé dans l’hiver

à remettre la chaîne de son vélo froid

 

 

 

 

Le matin les mots sont plus clairs

ça ressemble à des îles un œil

d’oiseau parfois sous la pluie ça vit

loin en arrière une goutte d’eau

s’allume ici le soleil des fois il est malade

s’endort dans les groseilles

le ciel est plein de traces les bêtes

montent dans leurs genoux vont boire

 

 

 

 

Le soir les rivières sortent

sans elles les enfants mangent dans leurs mains sales

se tapent sur les bras à cause des tavins ils claquent

la langue pour dire ça les autres

ont des chapeaux c’est parce qu’ils sont vieux

ils les essaient au déballage sur la place il y a des couteaux

avec une croix rouge les enfants les ouvrent des yeux

çà fait froid dans la manche en glissant le marchand

ne voit rien sous ses sourcils le jour est une lame

qu’on soulève avec l’ongle

 

 

 

 

à Gérard Le Gouic

 

L’ombre partie les yeux gardent les trains

ils laissent sur les doigts des traces noires le temps

dans les jardins n’a pas d’odeur

un front se penche une vitre s’ouvre

le ciel on ne sait pas c’est toujours un peu loin

quand il pleut les rails emportent

la marchandise des regards un homme sur un quai

fait du feu dans ses mains quelque part il fait jour

dans une maison claire on mange avec les mouches

 

 

 

 

Les routes n’intéressent pas le soleil il passe plus haut

le journal s’absente le dimanche les mains ont la couleur

de la poussière dans les vérandas les roses s’enfoncent

vers l’automne les hommes posent des volets aux fenêtres dénigrent

la lumière les lézards sur les murs sont presque des doigts

ils dorment sous l’herbe jaune on ne sait pas leurs noms

le temps sent la pluie le matin s’il y avait la mer

on dirait elle est seule un peu à cause d’elle une fillette au loin

ses yeux s’éloignent la balançoire

l’emporte

 

 

 

 

Les enfants mangent les mots ils parlent vite des rivières piquent

l’eau avec des fourchettes au-dessus des moutelles leurs mains sont noires

on ne voit pas le temps dans les vérandas les roses font leur nid

les yeux des femmes c’est un peu de nuit comme un journal les chenevières

y dorment des hommes brûlent leur ombre le soir le front

est une fleur défaite on jette des pommes aux bêtes rentre

dans ses gestes les mains sont des eaux usées sous les genoux tout est noir

l’entaille des bottes l’oseille le lilas au coin de l’évier le jour

ramasse les papiers gras dans la poussière des vitres la pluie

fait des ratures

 

 

 

 

Les maisons sont un peu ce qui reste des mains

il a plu le ciment les abîme les heures

dans le vitres sont des bêtes pleines longent

les murs le journal passe de cuisine en cuisine

avec les mouches on pose une pierre dessus on dirait

des fois les yeux c’est du gras ils laissent sur les choses

quelques taches

 

 

 

 

Les enfants couvrent les livres un bol dedans c’est rouge

sur le sable attend dessous un portrait

une croix des médailles celui-là ne parle pas

des boîtes de cacao sur la cheminée près du calendrier

des pompiers des enveloppes un coin manque on enfonce l’ongle

une ride sur le front dans l’ombre donne parfois de ses nouvelles

 

 

 

 

Vers le soir les hommes perdent les yeux les mains

le bâton sur le guidons poussent les bêtes les lampes

sont presque des pis sur la toile cirée

une joue molle ils y cassent leur pain

ou c’est leurs doigts

 

 

 

 

Dehors les hirondelles sont des ciseaux les enfants

les oublient un peu plus haut quand il ne fait pas nuit

elles coupent le vent dans ce qui traîne ils font des fouets

posent leurs yeux dans les fenêtres s’enferment

dans un peu de buée c’est quand tout est près

que c’est loin

 

Revue « Poésie partagée »

Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984

Du même auteur :

 Derrière les vitres (22/12/2014)

Silence dans la cuisine (14/10/2019)

Image de la rieuse (14/10/2021)

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