Pierre-Jean Jouve (1887 – 1976) : Magie
Magie
Tu es ma douleur mon effroi mon amour
Ô imagination
Tu es mon bourreau ô livre où j’ai traduit
La montagne la rivière et l’oiseau
Tu es ma misère ô confession.
Ainsi parlait le poète déchu
Et il déchirait son livre imprimé au milieu des villes humaines.
Mais son autre voix tout emplie d’un murmure de saules
Répondait
Ô livre malgracieux ô poème manqué,
Erreur erreur toujours de celui qui n’a pas encor fait.
Oh tu es mon dernier lieu ma forteresse
Contre l’armée des infidèles
Ailleurs n’est plus que ruine et toi tu es l’endroit sacré,
Le démon aurait-il vraiment manqué tout ce qu’il voulait ?
Et que veut le démon –
Un livre
Répondait sa voix éclairée par un ancien cyprès solaire,
Le tien le mien ou l’autre,
Ecris sous la dictée.
Et tous les oiseaux chantèrent plusieurs fois sur le ciel.
Et le poète était encore une fois illuminé
Il ramassait les morceaux du livre, il redevenait aveugle et invisible,
Il perdait sa famille, il écrivait le mot du premier mot du livre.
Les Noces (1925 - 1931)
Editions Gallimard, 1931
Du même auteur :
Songe (14/08/2015)
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