Georges Ribemont – Dessaignes (1884 – 1974) : Sérénade à quelques faussaires
Sérénade à quelques faussaires
Sous les couronnes de fer et de zinc,
O constance mécanique et fureur des limites,
Si l’inutile fleur de liberté se sèche pour mourir,
Esclave des libérateurs automates,
Hélas meurt la dernière ressource
Et sur le cheval verte et fulgurant,
On ne verra plus passer l’os dressé vers le ciel
Avec ses lambeaux de charogne,
Les doux platanes et les descentes de lit des campagnes,
Les frais enfants de l’espoir,
Les confitures de vertu, les grandes chandelles de papier
Ont-ils connu les pas brûlants ?
Tout n’est que cendre dans la salle des pas perdus,
Le vent est-il pur,
La glace, la mort, le sable, le sang
Sont-ils les derniers souvenirs ?
Croque-morts de Dieu, avez-vous épousseté le cercueil,
Avez-vous craché sur votre ventre avant d’aller au combat ?
Chacals des cimetières, avez-vous entre les dents l’odeur des âmes
Et toi tonnerre noir de l’épouvante,
Claquement des côtes,
As-tu fait d’un seul coup éclater le cœur du lion et la vessie du cochon ?
La tâche est-elle vidée comme le tonneau du ciel ?
Assez, faux-bourreaux, police humide, faux scandales,
Vendeurs de bazars !
Vous avez roté d’avoir trop rongé vos ongles et votre caisse
Et sur votre peau de luxe
Repousse la moisissure de l’univers
Et sur votre menton le poil des nonnes.
Comme la croix vos pieds ont pris racine dans la cendre
Mais dans la solitude où donc est votre satisfaction,
Confessés,
Faux-frères de ma jeunesse,
Ange de confection, plumes en solde ?
Une de vos larmes a coulé et la terre a pourri.
Grands commandeurs de l’avenir et futur repos des vielles filles
Bouquet de fleurs d’oranger de la postérité,
Vous n’étiez que les fesses ignobles de l’ordre
Comme les sergents-majors en sont les narines,
Mais on se trompe bien sur le compte de la terre
Je n’ai pas de cheveux sur la tête mais une corde à violon
Pour donner et recevoir
La foudre de la dernière heure
On n’a pas su encore ce qu’est la réalité, on s’est trompé sur le compte de la
terre
Il est un temps qui germe enfin dans le noir des ongles
Pleins de poudre et de sang,
De cervelles et d’entrailles,
Le meilleur temps des grandes pluies de cendres
Dont la meilleure arme sera encore de construire
L’ignoré de vos langues,
Cochons !
In, Revue « Le grand jeu, N° III, Automne 1930 »
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