Georges Ribemont-Dessaignes (1884 - 1974) : « Il y avait un grand silence… »
Il y avait un grand silence, car derrière tout ce qui se passe
Il ne se passe rien, il y a un grand silence,
On entend juste son cœur qui bat,
Un cœur qui bat, cela ne se comprend pas,
Mais toute cette vie, qu’est-ce donc,
Toute cette vie bonne à dormir à l’abandon,
La tête couchée sur les pierres
Qui ne bougent pas, ne comprennent pas, ne pensent pas
Ne dorment ni veillent
Ni rêvent,
Toute cette vie que les hommes ont comme si on la leur avait
donnée
Mais qu’on ne leur a pas donnée,
Parce qu’il n’y a personne qui puisse rien donner à personne,
Et pourtant on vit, même ceux qui dorment,
On se retourne, on rêve, on frappe, on questionne,
Sans attendre la réponse, car il n’y a pas de réponse.
Et la question est plus dure que la pierre…
O toi qui vit près de ma vie,
Dans un monde au cœur écroulé
Qu’aucun prince de l’amour ne réveille,
Que nom faudra-t-il te donner
Pour ressusciter les sortilèges
De l’étincelante jeunesse,
O toi qui vit près de ma vie ?
Ne réponds pas, il suffit
Qu’un instant je regarde ton regard
Pour que les questions s’abolissent,
Mais ce n’est pas moi qui les pose :
Elle ne sont qu’un bouquet de roses,
O toi qui vit près de ma vie,
Toi qui crois au refuge des quatre miroirs,
Refermé sur la clarté de tes jours,
Et qui ne sait pas qu’on traverse les miroirs,
Sois fantôme à travers tes murailles
Avant que le gardien te crie : « Trop tard ! »
O toi qui vit près de ma vie… »
Le règne végétal
In, Franck Jotterand : « Georges Ribemont – Dessaignes »
Pierre Seghers éditeur, (Poètes d’Aujourd’hui), 1966
Du même auteur :
Bohémienne 1940 (24/04/2015)
A la tourterelle (24/04/2016)
Se confondre (24/04/2018)
« Ils sont revenus, les morts... » (24/04/2019)
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