Judes Stéfan (1930 – 2020) : Aux îles Fortunées / Antwerpen / Coïmbra
Aux îles Fortunées
Agonie dans un jardin paisibles
le lion et le tigre d’Hyrcanie
comme on dit qu’Armide enchaîna de
fleurs bras et pieds endormi Renaud
au-delà l’élevant des neiges à l’or
païen de verdure et de paix : jardin
et délices que nous feint l’auberge
ici-bas des péchés où l’on urine
fiente et ricane avec femmes réglées.
Fontaine du rire myrte animé
des nymphes et le sanglant cyprès
sont bien désenchantés crétin de
chrétien ! Enchantons-nous donc du bien
qui nous laisse au mal, Le Tasse.
Antwerpen
Tombe la neige qui tout fait ressembler à
Breughel jamais corbeau vu plus noir jamais
arbres plus frêles ni terre blanchement dé-
solée autour d’une mare là dormant comme
secret miroir pour qui sait y songer
jamais plus calme à la vitre de se tourner
nue sur la forte jeune fille comme la grâce
aux violentes paumes à l’emprise sûre en moi
plus profond me révélant que moi-même enfin
mois mortel moins abject Stéfan par son sourire
sur toute sa chair diffus des lèvres aux cuisses
de peintures angéliques.
Coïmbra
Loin de toi ici-bas laisse-moi
écouter les orgues d’oubli comme
si jamais je ne t’eusse même priée
mais étreint de calme. Loin au refuge
des mortes études laisse à Coïmbra
l’oubli du voile alléchant tes chairs
sur moi s’étendre ôte tes yeux de mon
sommeil assombris limpides ta face
tes grâces de là-bas laisse livres
et musique et l’hiver m’engourdir
puisque trop ange d’esprit tu m’as
jugé trop démon de cœur Diane.
Hyménées
In « La nouvelle Revue française, N° 249, septembre 1973 »
Editions Gallimard, 1973
Du même auteur :
« les Vieux… » (19/04/2015)
(Messe blanche.) (19/04/2016)
(Memento mori.) (19/04/2017)
(Ni vie ni mort) (19/04/2018)
Dans les matinées (19/04/2019)
A une lectrice d’arbres (19/04/2020)
La main d’Emma (19/04/2022)
« Si l’anxiété de finir... » (19/04/2023)
Libera (19/04/2024)