Armand Robin (1912 -1961) : Me conduire en des lieux écartés
Association Liber-Terre de Pontivy, photo-montage avec une photo d’Armand Robin (à 17 ans).
Me conduire en des lieux écartés
Avant que ma voix ne devienne isolée, j’eus mon pays près de moi. Les
fontaines, les joncs, les chevaux étaient les relais de mes voyages ; de lentes et
claires eaux étaient mes promenades ; et mon sommeil était d’un feuillage
tendrement et lentement gonflé de bruits.
*
Les fontaines, les plantes, les incertaines lunes
Furent mon logis ; les ronces méprisées furent ma fortune.
Les plantes lentement bruissantes et bougeantes
Aujourd’hui, malgré trente langues, trente sciences,
Seraient mon âme, ma vie en ses travaux enfin stagnante,
S’il n’y avait encore trente autres langues et sciences ;
Ma tête resterait ferme, après avoir été dix folies,
S’il n’y avait trente, quarante, mille autres folies.
Sans doute j’aurai besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
... Je voulus désespérer une voix désespérée, la conduire en des lieux
écartés, la perdre et revenir souriant vers des plantes souriantes.
Le cycle du pays natal
Textes et photographies rassemblés par Françoise Morvan
Editions La Part Commune, 35000 Rennes
Du même auteur :
« Sans parole, je suis toute parole… » (05/06/2014)
Sans Pays (05/06/2015)
l’Illettré (05/06/2016)
L’offre sans demande (05/06/2017)
Mon pays (05/06/2018)
Instant de pré (05/06/2019)
L’homme qui fit tous les tours (05/06/2021)
« Longtemps j’ai vécu de plantes... » (05/06/2022)
« Sous la lune d’été... » (05/06/2023)
Un printemps paysan (05/06/2024)