André de Richaud (1909 – 1968) : La chanson de mort
La chanson de mort
Vous, les autres qui m’avaient tiré par les lèvres
jusqu’à une seconde de votre peau
et dont je me suis repoussé jusqu’à l’éternité parce que mon amour vous aurait
peut-être tué
Adieu les autres ce n’est pas le moment d’être hypocrite
chacun de mes mouvements vous inonde de mort
Allez-vous en Allez-vous en
que je vous voie longtemps ne plus penser à moi
Pourtant tout se déchire sous mon visage
Pourtant mes gestes s’éloignent de moi
je tords avec les yeux brûlés les barreaux d’ombre
le pas du gardien j’entends venir je souffre venir
Vous errez en moi comme une bête dans les veines de la forêt
hésitant aux carrefours
se reposant dan les clairières du cœur
s’attardant dans les petits ruisseaux des endroits qui sont l’extrême limite de
mon corps
déjà dans l’air sur la lisière vulnérable
se brûlant dans les branches parlantes du cerveau
dormant dans les épais taillis des poumons
Heure de ma mort je suis votre course
quand donc tomberez-vous morte de fatigue
pour me terrasser
Alors adieu sensations en déroute
l’Automne des artères qui s’effeuillent
sur les chairs gonflées d’une mauvaise humidité
On chante à côté avant la fuite de l’ouïe
le nuage se dissout pour l’adieu de l’œil
et la voix est une pierre tendre
le nez est déjà loin le vent gerce les lèvres
Adieu mes mains et tout l’amour du monde
Adieu MOI. J’éclate comme une branche de feu.
Le droit d’asile
Editions Seghers, 1954
Du même auteur :
Préface (22/12/2016)
La voie du sang (22/12/2017)
Le testament (22/12/2018)
Seul ton amour (22/12/2020)
Monologue (22/12/2021)
Le délire de l’enchanteur (22/12/2022)