Gaston Miron (1928 – 1996) : Ma femme sans fin
Ma femme sans fin
Je parle à celui que peu d’entre vous
connaissent et qui m’a trouvée jusqu’ici
je parle à celui qui m’égare, me perd me perd et me
ramène souvent jusqu’à lui.
Sandrine B.
Je ne sais pas qui tu es, mais tes pas
sont dans mon âme, comme un sonar,
parfois tu me trouves et parfois tu me perds.
Il m’arrive à moi aussi de te chercher
quand tu es belle partout dans mes bras
lorsque - plus lointaine que les yeux
qui regardent sans voir, noyés
dans trop de choses qui arrivent –
je te sens plus proche
que l’intérieur chaud de mon corps.
N’y penses pas trop si quelques années
j’ai cru sans fin que c’était toi, elle allait
et venait dans ma vie comme si c’était toi.
- Il y eut les enfants, les amis les poèmes
et nous avons fait l’amour
ô absolue nudité sur l’herbe, jusque
sous les branches. – Avec elle je t’ai apprise
et je l’ai aimée encore et souvent.
Comme si c’était toi, car c’était toi
devenue aussi présente que mon regard.
Maintenant je sais qui tu es, tu déplies
l’éternité pour y marcher dedans
parfois à distance et parfois dans nos lèvres.
Je sais que tu m’as tant, et tant attendu
lorsque – dans mes longs jours noirs, dans
ma nuit des sens,
aveuglé par l’affairement du siècle, sourd
par le bourdonnement de l’inessentiel –
tu me signais de ta confiance
dans cette vie à jamais et vers l’au-delà.
Femme sans fin
Revue « Possibles », Montréal (Canada), 1980
Du même auteur :
La marche à l’amour (30/08/2014)
Les siècles de l’hiver (30/08/2015)
Monologues de l'aliénation délirante (30/08/2016)
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