André Du Bouchet (1924 – 2001) : Au deuxième étage
Au deuxième étage
AU DEUXIEME ETAGE
En pleine terre, je sors des brindilles, des fenêtres,
comme une maison, dans l’air qui bat les murs de
cette demeure sans goût.
Ce qui est tangible et noir entre les deux fenêtres,
comme le mur où j’ai fini. Tout flambe, tout recom-
mence au-delà.
J’étais soutenu par la chambre dont je disposais.
Le ciel derrière l’arbre comme un ongle blanc, et la
gorgée de terre que nous avons bue d’un trait. J’ai
plongé deux fois dans la terre, jusqu’à l’horizon. Ce
vide bourgeonnant, ce foyer sans reflet, comme une
fenêtre.
Les murs retrouvés en déménageant, la pierre nue, ce
feu que la fatigue renie, comme deux brindilles, les
croisées sans éclat,
remplie de ciel,
environné de bois, dans l’épaisseur ravinée.
A la seconde apparition de la terre, j’entre dans le front
blanc qui me domine, et que je ne remarque pas à côté
de moi. Ce front au-dessus de ma tête, très haut.
Tout rosit jusqu’au sol. Tout est chaleur, et pièce de
feu.
Ce feu comme une aile blanche, partout où l’air
souffle. Par cette trouée.
Je traverse l’image de la maison. Je ne m’imagine pas
réduit aux murs . A l’étendue de la chambre. Ailleurs,
le feu s’est resserré. La distance nous répare.
Comme le corps de la terre que l’étendue répare.
Nous sommes aérés, dispersés, séparés.
Il y a devant nous une montagne,
un morceau
d’air
formé par un fil.
Des papiers de tous les feux jusqu’au jour délavé. Une
voix aux fins éclats. Cette terre qui s’étend sur toi
comme une main, partout où le ciel remplace le mur, le
plâtre nu,
au pied des pierres.
Cette calotte sauvage,
sans air, sans arbres, qui se
calque sur la terre grossière, approximation grossière
de la terre.
La partie claire et blanche où le nuage se déchire, où
nous allons. Le genou contre la porte de bois, et cette
gorgée de terre,
cette toux.
A l’endroit du champ vide, je me suis plusieurs fois
déchiré.
Ce mur qui suffit pour tenir le soir. Quelques brins du
souffle serrés contre le front
Grand champ obstiné
embolie.
Tout commence
à la montagne inachevée, à un moment de terre
perdu
Dans la chaleur vacante,
Editions du Mercure de France, 1959
Du même auteur :
Cession (26/06/2016)
Le moteur blanc (09/07/2017)
Ici en deux (09/07/2019)
Sur le pas (09/07/2020)
Dans la chaleur vacante (01/01/2021)
Sol de la montagne (09/07/2021)
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